Intervention de Dr Odile Reynaud-Levy

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 11h40
Commission des affaires sociales

Dr Odile Reynaud-Levy :

Notre association soutient vigoureusement la formation d'IPA de gériatrie, avec une spécialisation dans le domaine du médico‑social. L'exercice de la gériatrie, qu'elle soit gériatrique médicale ou gérontologique paramédicale, n'est pas le même en secteur hospitalier et médico‑social. Ce serait un atout supplémentaire pour les EHPAD plateformes que nous proposons dans chaque territoire de santé, qui doivent correspondre, non pas à des périmètres administratifs, mais aux territoires tels qu'ils sont vécus par la population. Il ne doit pas y avoir un modèle d'EHPAD, mais des organisations territoriales souples et adaptables, sinon cela ne fonctionnera pas. Au passage, il en va de même s'agissant de la question d'avoir des praticiens salariés d'EHPAD comme des praticiens hospitaliers : je suis d'accord, il faut délimiter clairement un temps de médecine de coordination et un temps de soins, sinon le soin prend toujours le pas sur la coordination.

Au sein de l'EHPAD, les IPA de gériatrie spécialisés dans le médico‑social faciliteraient le lien entre les différents soignants et les médecins traitants. En remplissant un rôle d'évaluation locomotrice ou cognitive, ils seraient une aide pour le médecin coordonnateur, qui n'a pas forcément le temps de réaliser l'évaluation gériatrique prévue par le décret de 2019. Ils pourraient aussi faire le lien avec les personnes âgées encore à domicile et créer une interface entre le territoire et l'EHPAD, lieu de connaissance gériatrique, où tous les personnels, médecins coordonnateurs comme aides‑soignants, doivent être formés à la gériatrie.

Les IPA auraient également tout leur rôle en matière de prévention, qui n'est absolument pas valorisée dans le codage PATHOS. Alors que la demande en avait été faite, l'assurance maladie refuse de la financer, au motif qu'elle ne le fait que pour la prévention de pathologies particulières, comme le cancer du sein. Dans le domaine du grand âge, à domicile comme en EHPAD, c'est une erreur, car cela reporte le financement sur des dépenses curatives très importantes : vu la physiologie du sujet âgé, les décompensations multi‑organiques s'enchaînent en cascade, aboutissant à un surcroît exponentiel de consommation médicale. Une des conclusions du rapport Iborra était d'ailleurs de financer des consultations gratuites pour les 65‑70 ans à des fins de prévention, pour favoriser le bien‑vieillir et faire cesser la diminution du nombre d'années de vie en bonne santé actuellement constatée. De surcroît, cela pourrait être un argument supplémentaire d'attractivité pour un vrai travail reconnu dans les EHPAD.

Il en va de même du métier de médecin coordonnateur, qui doit être reconnu par un nouveau diplôme interuniversitaire (DIU). Le remplacement des capacités en gériatrie par le diplôme d'études spécialisées de gériatrie aurait fait disparaître la possibilité de former des médecins généralistes, cardiologues ou issus d'autres spécialités désireux de changer d'environnement et de travailler en EHPAD. Nous attendons encore le décret portant création de ce DIU « médecine de la personne âgée » en première année et « coordination en gériatrie » en deuxième année, mais la première année de formation est déjà proposée dans certaines facultés de médecine depuis cette année. Nous espérons que la reconnaissance de cette spécialité médicale au travers d'une vraie formation sera une motivation pour de jeunes internes ou des confrères moins jeunes souhaitant exercer la médecine différemment. Je partage mon temps entre la médecine de coordination et la médecine gériatrique en centre hospitalier universitaire, où le nombre de jeunes internes en gériatrie est en baisse. Si la tendance se poursuit, on n'y arrivera pas – on n'arrive déjà pas à pourvoir les postes hospitaliers.

Le Conseil national professionnel de gériatrie l'a signalé et nous le répétons depuis des années. Nous pensions que la covid aurait constitué un détonateur suffisant pour mettre en lumière l'urgence de la situation. Il aura fallu ce livre pour que les choses bougent un peu plus. C'est désappointant...

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