Intervention de Henri Verdier

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 9h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Henri Verdier, ambassadeur pour le numérique :

Je n'ai pas dit « tout faire », car mon carnet de chèques ne me le permet pas. Préconiser un internet libre, ouvert et unifié est une position clairement française. La fragmentation d'internet risque d'entraver la liberté d'expression, de limiter la compréhension mutuelle entre les peuples et de faire perdre des points de croissance mondiale. Mais allons un peu plus loin. Comme je vous l'ai dit, j'ai créé ma première entreprise en 1985. À l'époque, les ingénieurs de France Télécom ne croyaient pas en internet et pensaient que son coût serait démesuré.

À titre personnel, je considère que la Permissionless Innvoation, grâce à un réseau ouvert et décentralisé a donné lieu à l'incroyable cycle d'innovations que nous avons connu. Elle a également permis l'émergence de réseaux sociaux et de géants qui ne sont pas internet. En effet, Facebook, Twitter ou TikTok consistent à entrer dans un espace privé avec un droit privé (régi par les conditions générales d'utilisation) et un design qui n'est pas basé sur la neutralité, la transparence ou la traçabilité. Au contraire, leur design est conçu selon le business model de l'économie de l'attention pour donner à voir aux utilisateurs des contenus et des publicités personnalisés visant à augmenter les revenus de l'entreprise. Un internet libre et ouvert ne contrevient pas à l'inspiration initiale des pères fondateurs. Il permet l'émergence d'acteurs dont il faut bien sûr réguler l'activité, mais qui démontrent le bien-fondé des principes fondamentaux.

Avons-nous une chance de gagner la partie ? Tout dépend du sujet. Internet comprend sept couches techniques différentes (les plus connus sont le protocole TCP/IP et le web). Je pense que cette base peut être conservée. Aujourd'hui, l'entreprise Huawei propose à l'Union internationale des télécommunications un nouveau protocole pour les TCP/IP. Certains pays ne l'accepteront jamais. Une autre bataille concerne la muraille dont s'entourent certains pays. Ils demandent ainsi à leurs opérateurs d'aller sur un DNS (Domain Name System) national qu'ils filtrent pour supprimer ce qui ne leur convient pas. Néanmoins, quelqu'un de débrouillard, muni d'un réseau virtuel privé ( Virtual Private Network -VPN), pourra tout de même accéder à l'internet mondial. La censure instaurée concerne donc les masses, elle n'est pas définitive. Ensuite, dans les couches très hautes, des applications peuvent-elles être bannies ? L'Inde (et bientôt les États-Unis) a banni TikTok de l'App store. Les Indiens qui avaient TikTok l'ont toujours, mais de nouveaux téléchargements sont désormais impossibles. Cela peut faire partie d'une stratégie de négociation. Il n'y aura pas d'internet similaire partout avec les mêmes lois. Des stratégies de conflictualité et de protectionnisme vont se développer. L'essence et le cœur doivent être préservés et dans ce domaine, la bataille n'est pas perdue.

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