Ce sujet est en effet encore assez douloureux, car un dumping fiscal demeure entre les pays européens. La vraie question n'est pas une taxe GAFA. D'ailleurs, le ministre de l'économie et des finances a annoncé hier qu'il exercerait son droit de la prélever pour l'année 2020 puisque les négociations à l'OCDE n'avancent pas. La vraie question est celle d'une fiscalité numérique. Depuis des siècles, l'imaginaire fiscal considère que la valeur est prélevée sur le site de production, soit l'usine où se trouvent les salariés, avec une propriété intellectuelle provenant du bureau d'études de l'entreprise. Or, dans le numérique, la valeur relève du consommateur qui utilise le produit, reçoit la publicité, partage ses données et crée encore plus de valeur. Nous devons apprendre à prélever la valeur auprès des utilisateurs plutôt qu'auprès de la création. D'autant que certaines entreprises prétendent que cette création est tout entière de la propriété intellectuelle laquelle est tout entière localisée aux Bahamas. La fluidité numérique permet d'abuser de cette différence.
Depuis longtemps, la France porte ce sujet via le rapport « Colin-Collin », l'avis du Conseil national du numérique, les tentatives de portage à l'OCDE… Aujourd'hui, un groupe de travail constitué de représentants de cent vingt pays traite de ce sujet. La France ne vise pas une fiscalité des acteurs du numérique, mais une fiscalité du numérique, compatible avec l'économie numérique. Ce point est crucial. À défaut de prendre la valeur là où elle se crée, la base fiscale s'effrite et les acteurs en mauvaise santé sont affaiblis. Continuer à fiscaliser les perdants sans fiscaliser les gagnants revient à faire de la pression fiscale un handicap. Nous continuerons et nous finirons par l'emporter, car nous avons raison. Mais lors de telles négociations, chacun fait ses comptes. Les pays qui hébergent les géants du numérique ne sont ainsi pas favorables à une telle taxe. La France, souveraine, a donc décidé une taxe GAFA en attendant mieux. Cette taxe GAFA a été annoncée, puis suspendue dans l'attente de l'issue des négociations au sein de l'OCDE. Hier, Bruno Le Maire a annoncé l'échec de ce round des négociations et l'instauration d'un prélèvement de la taxe GAFA pour 2020. La taxe GAFA n'est pas la finalité. L'enjeu est que les systèmes fiscaux soient cohérents avec l'économie réelle actuelle.