Intervention de Bernard Benhamou

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Bernard Benhamou, secrétaire général de l'Institut pour la souveraineté numérique :

Vous avez parfaitement raison et vous remercierez votre collègue, le député Raphan, de cette question. Je crois qu'il est important de sensibiliser et d'éduquer. C'est l'ancien délégué aux usages de l'internet qui vous parle.

De manière générale, pour être efficace, il faut agir sur trois volets : l'éducation/sensibilisation, la régulation des technologies et la régulation juridique. Il ne faut pas faire reposer sur le citoyen l'essentiel du poids. Je crois qu'il est important d'informer le citoyen pour qu'il puisse constituer une force de réaction. Je vous parlais de la réaction citoyenne à Toronto, une réaction que je trouve remarquable. Il faut qu'il y ait une sensibilisation suffisante dans ces domaines.

Pour l'instant, nous en sommes au tout début. Il est évident que les plateformes dont nous parlons (Facebook, Google, etc. ) ne perdront pas d'emblée des centaines de millions de leurs utilisateurs. Il faut arriver à réguler leurs comportements les plus toxiques et à faire en sorte que les acteurs de ce secteur, y compris les investisseurs, perçoivent les risques. Ils commencent à les percevoir.

Ainsi, la société Palantir qui fait le big data pour les services de renseignement américains a, malheureusement, été choisie à deux reprises par la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) pour gérer les données antiterroristes et a même proposé gratuitement ses services à l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) pour la gestion des données covid. L'AP-HP a refusé, mais nos voisins britanniques du NHS (National Health Service), eux, ont accepté. Cette société est rentrée en bourse il y a peu. Dans son dossier de présentation, elle indiquait : « Les modifications du paysage de la régulation pourraient être amenées à remettre en cause la nature même de notre modèle économique. » Ils ont raison !

Aux États-Unis, la majorité démocrate de la Chambre des représentants a émis un rapport très dur sur ces plateformes, et en particulier sur les aspects antitrust. Plus près de nous, la Chambre des communes britannique a qualifié dans un rapport ces plateformes de « gangsters numériques qui subvertissent la démocratie ». Je crois qu'il est temps de faire en sorte que l'écosystème, y compris les investisseurs, soit conscient qu'il existe un risque. Je pense qu'il s'agit d'un moyen de pression important, en plus des actions antitrust, en plus de l'ensemble des actions de régulation.

Je crois que la sensibilisation des citoyens est importante, mais ne sera pas suffisante. Elle doit être complétée par la régulation technologique et la régulation juridique. Le règlement européen sur les données est maintenant exporté dans de très nombreux pays, bien au-delà de l'Europe. Même les Chinois s'appuient sur le règlement général sur la protection des données (RGPD) pour développer leur propre législation sur la protection des données ! Nous devons aller vers une meilleure compréhension par les citoyens, par les responsables, par les régulateurs, par les législateurs. C'est l'ensemble de ce spectre d'actions qui doit être mené dans les temps à venir.

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