Intervention de Valérie Nouvel

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche, représentante de l'Association des départements de France (ADF) :

Je vous remercie de vous investir sur ce chantier de la souveraineté numérique. Ce sujet préoccupe beaucoup les départements.

En matière de souveraineté numérique, la priorité absolue des départements est le déploiement des solutions mobiles. C'est pourquoi nous nous investissons aussi au sein du comité de concertation France Mobile dans le cadre du « New Deal mobile ». Sans solution mobile à disposition des Français sur l'ensemble du territoire, il n'est pas possible de déployer des solutions de souveraineté numérique. Pendant la crise, plus de 40 % des collégiens ont suivi leurs cours à partir de leur mobile. Le mobile est vraiment la solution de demain, le focus des départements.

Pourquoi nous concentrons-nous sur le mobile ? Les départements sont persuadés que le meilleur coffre-fort des données est l'usager lui-même, donc son mobile. Pour bâtir une solution de souveraineté numérique en France, il convient d'inverser la tendance qui consiste à stocker des données dans de gigantesques serveurs qui sont très loin de chez nous, trop loin de chez nous, qui sont aussi très énergivores et de revenir à des solutions dont le déploiement est porté par les régions et les départements pour stocker la donnée dans les territoires.

Il s'agit de serveurs alimentés par exemple par des méthaniseurs sur les exploitations agricoles. Des start-up françaises s'investissent dans ce projet et les régions portent le déploiement de ces solutions de transition énergétique. Il peut aussi s'agir de serveurs alimentés par les toitures photovoltaïques de nos bâtiments publics. Le but est de retrouver une territorialisation du stockage des données.

Lorsque je vous disais que le mobile de l'usager pouvait devenir un coffre-fort, c'est aussi parce que nous avons en France la chance d'avoir au niveau du pôle de compétitivité TES en Normandie des entreprises qui développent des solutions dans lesquelles le stockage des données est fait sur le mobile de l'usager en interfaçant ce mobile avec les sites utilisateurs de données. Nous nous affranchissons ainsi des questions de cybersécurité.

Actuellement, lorsqu'un énorme data center est attaqué, cela peut bloquer tout un département. Si les données sont sur les mobiles, l'attaque peut bloquer un usager ou les usagers les uns après les autres mais cela prend plus de temps. Nous sommes beaucoup moins vulnérables.

En matière de souveraineté numérique, je souhaite vous citer un exemple qui doit vraiment nous inspirer. Malheureusement, les départements sont aujourd'hui les seuls à avoir perçu le côté génial d'une solution française nommée NexSIS. Il s'agit du système numérique déployé par l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) pour nos pompiers. NexSIS est une solution française, développée par l'État, qui a tous les atouts que nous recherchons pour une solution de souveraineté numérique. Les départements s'y intéressent fortement parce qu'ils gèrent les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) mais aussi parce que cette solution permet d'interfacer d'autres usages numériques. Au sein de la commission « Innovation et Numérique » de l'ADF dont je suis vice-présidente et avec les services de la direction de l'information légale et administrative (DILA) qui dépend du Premier ministre, nous travaillons sur les possibilités d'interfacer à NexSIS tout ce qui concerne les fiches sanitaires de liaison de nos collégiens.

Il s'agit donc d'applications consistant à partir d'une solution souveraine développée par l'État sur laquelle, au niveau du territoire, nous pourrons articuler un ensemble d'usages numériques tout en assurant une protection des données. Cette protection des données est aussi une question de confiance des usagers et cette confiance est une des clés de la réussite.

Vous nous avez interrogés sur nos difficultés. Le caillou financier du jour dans nos chaussures est la problématique du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le FCTVA doit s'appliquer sur toutes les solutions numériques en nuage. Or, nous avons été avertis hier que le FCTVA ne concernera finalement que les solutions « logiciel en tant que service » (SaaS) alors que vous savez bien que nous avons des solutions « infrastructure en tant que service » (IaaS) qui permettent aux détenteurs de logiciels de louer des infrastructures pour héberger les offres SaaS. Il est urgent de considérer ces solutions numériques en nuage comme un tout et d'appliquer les règles de FCTVA qui sont un levier financier non négligeable pour les territoires.

Le projet d'identité numérique renforcée peut nous permettre d'être rapidement des champions en matière de souveraineté numérique, en conjuguant nos talents entre État et territoires. Ce projet peine à progresser au niveau français ; il est souvent perçu comme une charge par l'État, tandis que les départements le voient comme une recette. Ce projet conjugue en effet à merveille souveraineté numérique et inclusion numérique. Lancer ce chantier est pour nous une priorité absolue. Les départements sont candidats pour expérimenter la solution sur les territoires. Nous avons proposé cet appui depuis maintenant plusieurs années mais nous n'avons toujours pas de réponse.

S'agissant de la gouvernance, je souligne que ce que nous vivons au sein des comités France Mobile et France Très Haut Débit est très positif. Petit à petit, nous progressons pour mieux intégrer nos retours d'expérience sur les territoires. Ces comités sont des lieux de coopérations essentiels. Les programmes de développement concerté de l'administration numérique territoriale (DCANT) sont d'autres lieux de coopération qui peuvent aussi être intéressants pour développer des solutions de souveraineté numérique.

Les départements ont souhaité la création d'un comité 5G pour tenir compte des bons retours d'expérience que nous avions dans nos coopérations sur le « New Deal » dans le cadre du déploiement de la 5G. Ce comité 5G s'est mis en place et je pense que c'est vraiment une chance pour progresser ensemble en matière de déploiement de solutions numériques. Il ne vous a pas échappé que le développement de la 5G s'appuie sur des plateformes « edge » qui se trouvent dans les territoires. La territorialisation des solutions numériques est donc déjà en route.

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