Intervention de Ariel Turpin

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Ariel Turpin, délégué général de l'AVICCA :

Le problème de communication sur la 5G est en cours de règlement puisque tous se mettent à faire de la pédagogie. C'est très bien et nous soutenons à fond ces actions essentielles.

Cela dit, l'ARCEP avait publié dès 2017 un livre blanc de la 5G. Des consultations avaient été faites mais avaient obtenu très peu de réponses. La communication a ensuite été assez maladroite, avec une approche assez techniciste. Je me souviens d'un propos très maladroit du président de l'ARCEP qui disait que la 5G sera moins nocive que la 4G grâce au beamforming, le filtrage spatial mais cela sous-entendait que la 4G est nocive.

Nous avons aussi un problème de calendrier avec les décisions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) que nous n'avons pas encore sur la bande des 26 gigahertz. Tout ceci crée une atmosphère qui permet à certaines actions locales de prendre corps et forme de manière assez virulente. Nous observons que l'opposition se situe plutôt dans les villes, tandis que les destructions sont plutôt dans les campagnes. Ce sont donc ceux qui en ont le plus besoin et qui ne sont pas forcément les plus opposés qui sont les premières victimes. Lorsqu'une antenne saute en ville, d'autres prennent le relais tandis que, à la campagne, ce sont souvent plusieurs villages qui sont ainsi mis dans le noir.

L'arrivée de la 5G a un impact négatif sur le déploiement du « New Deal » et de la 4G. En effet, même lorsque les élus et les habitants étaient très favorables à l'arrivée de la 4G, nous constatons une réactivation des oppositions et des associations locales qui rend compliqué même le développement de la 4G. Nous avons donc une relative opposition entre ceux qui ont absolument besoin d'avoir une couverture mobile et ceux qui veulent à tout prix la refuser.

L'AVICCA ne se positionne pas sur le sujet des ondes, d'abord parce que la bande des 3,5 gigahertz qui vient d'être attribuée était la bande des collectivités. Nous avons été proprement – ce n'est pas péjoratif – expropriés de cette bande de fréquences par l'ARCEP, avec les délais utiles, des moyens financiers pour migrer vers d'autres fréquences. Cette bande n'est pas devenue nocive du fait de ne plus être confiée aux opérateurs publics et d'être confiée aux opérateurs privés. Nous ne parlons donc pas de la partie ondes.

Nous travaillons plutôt avec nos adhérents sur la pédagogie concernant les usages de la 5G, sur le déploiement équilibré entre zones rurales et urbaines. Si cette technologie n'est qu'urbaine, les gens verront se réactiver le spectre de l'absence de couverture 4G. Aujourd'hui, nous avons des oppositions et, demain, nous verrons des manifestations parce que la 5G n'est toujours pas arrivée, que c'est un scandale, que le maire et le conseiller départemental ne font rien, que nous ne nous occupons que des villes…

Nous étudions aussi l'impact environnemental, la consommation. Nous nous interrogeons pour savoir s'il faut arrêter certaines bandes de fréquences, s'il faut migrer en 5G certaines bandes actuellement utilisées en 3G. Je ne parle pas d'arrêter la technologie mais d'arrêter certaines bandes de fréquences à cause d'un rapport entre le nombre de gigabits transportés et la consommation énergétique très variable d'une technologie à l'autre.

L'intégration paysagère est un autre point très important, qui désamorce beaucoup de crises. Elle explique peut-être le fait que les gens se plaignent de la 5G dans les villes mais que les pylônes soient attaqués à la campagne. À la campagne, les pylônes sont visibles puisque ce sont des pylônes à treillis de 35 ou 40 mètres, bien visibles à des kilomètres à la ronde. Ils sont invisibles en ville puisque ce sont des fausses cheminées ou qu'ils sont sur des façades ou sur du mobilier urbain. La 5G sera très discrète et il se peut qu'elle soit parfois démolie sans le faire exprès.

L'intégration paysagère est à mon avis une approche essentielle. Nous avons des exemples de villes ou villages dans lesquels sont installées des small cells, des petites antennes positionnées sur le toit d'un bâtiment, mairie ou autre. Ces antennes fournissent une très bonne couverture. Il faut quatre ou cinq petites antennes de ce type à la place d'un gros pylône. Cela « passe comme une lettre à la poste », surtout si le maire a un dossier d'information mairie (DIM). Le DIM est un point essentiel, la première brique pour désamorcer énormément de conflits, pour que les gens n'aient pas l'impression que nous agissons en cachette.

L'intégration paysagère est importante car des antennes invisibles ou très discrète ne poseront pas de problème tandis qu'un pylône de 35 ou 40 mètres installé près d'un endroit que les gens apprécient beaucoup, où ils passent tous les jours, déplaira forcément. Dans ce cas, plutôt que l'esthétique, le meilleur moyen de fédérer les oppositions est d'insister sur l'émission d'ondes, les dangers sanitaires et cela peut provoquer encore plus d'oppositions.

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