Intervention de Yoann Kassianides

Réunion du jeudi 14 janvier 2021 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Yoann Kassianides, délégué général d'ACN :

Je souscris à l'idée selon laquelle il convient de mêler les deux niveaux français et européen.

La question de la souveraineté numérique se pose avec acuité du fait de l'omniprésence de produits d'origine américaine ou asiatique. La crise sanitaire a mis en lumière notre dépendance à ces produits. Elle a aussi provoqué une prise de conscience générale. Chacun mesure désormais la nécessité d'assurer notre souveraineté par nos propres moyens.

Devant les blocs majeurs qui se sont constitués, la menace apparaît d'un ordre géopolitique et géostratégique. La réponse ne peut être strictement française. L'échelle pertinente est celle de l'Europe.

Pour autant, il ne s'agit nullement de dénier toute possibilité d'initiative nationale. Du fait de l'excellence de ses entreprises, de sa recherche, de son expérience dans le domaine de la sécurité numérique, la France conserve des atouts de taille. Rappelons que l'invention de la carte à puce lui revient. Elle possède des compétences reconnues mondialement en matière de sécurisation et de chiffrement. Il nous appartient de nous appuyer sur ces atouts et de les porter au niveau européen.

Un tel niveau s'avère cohérent. Les membres de l'Union européenne partagent un même système de valeurs. Nous ne l'affirmerions pas s'agissant de la Chine, ni même des États-Unis. La première fonction des outils de confiance numérique vise à nous permettre de déployer nos activités dématérialisées conformément à notre système de valeurs. Ils sont les garants de ces valeurs quand il s'agit de le transposer dans le monde numérique.

De plus, la pertinence de l'échelle européenne se révèle sous l'angle économique. Revenons à la question de la certification. À ce jour, au sein de l'Union européenne, vendre un produit soumis à des obligations de certification impose encore de s'adresser, tour à tour, à chacune des autorités nationales de certification compétentes. Cette contrainte entraîne une complexité et des coûts supplémentaires non négligeables. En comparaison de la situation de leurs principaux concurrents internationaux, elle constitue un frein au développement économique des acteurs européens.

L'Union européenne s'attache à lever de telles barrières. En 2019, le cybersecurity act a ouvert la voie de certifications valables dans l'ensemble de l'Union. Nécessairement long, le processus de discussion se poursuit autour de critères communs. Il contribuera à définir un espace économique et numérique européen comparable aux blocs concurrents dont nous faisions état. Il se révèle primordial pour les entreprises européennes qui développent des produits numériques. Elles doivent pouvoir s'appuyer sur un marché domestique équivalent à ceux de leurs concurrents les plus actifs.

Enfin, des prérogatives régaliennes demeurent l'apanage des États. Elles ne relèvent pas de la compétence de l'Union européenne. Elles maintiennent l'utilité d'une souveraineté numérique nationale.

La combinaison des deux échelons, ceux de l'État et de l'Union, doivent s'harmoniser intelligemment. Assurément, la France se trouve en position de jouer un rôle de « pilote ». Sa filière numérique et son autorité de certification, l'ANSSI, jouissent de la reconnaissance de ses partenaires européens. Elles ont vocation à servir d'exemple. Il faut les y encourager. Les entreprises françaises en tireraient un avantage certain dans la conquête du marché numérique européen, s'il se concrétise.

Il revient donc à l'État d'élaborer une vision unifiée et de faire montre de la volonté d'obtenir un socle national fort, pour le porter à l'échelle de l'Europe, à même ensuite d'en assurer une diffusion plus large.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.