Si vous me le permettez, M. le président, je complèterai mon propos par une définition de la souveraineté numérique. Il me semble que cette notion n'est pas définie dans les textes. Je m'appuie sur trois principes pour la définir.
Tout d'abord, le principe de liberté : il s'agit de la liberté de choisir ses fournisseurs, mais aussi de définir une stratégie puis d'en changer. D'une certaine manière, il s'agit de la liberté de choisir ses dépendances : de qui acceptons-nous de dépendre ?
Le second principe est celui de la maîtrise. Nous ne pouvons pas envisager de souveraineté numérique si l'État ne dispose pas des expertises qui permettent d'évaluer les risques et les solutions ainsi que d'internaliser certaines fonctions. La souveraineté numérique n'est pas possible si une partie des fonctions les plus critiques ne sont pas internalisées.
Enfin, le principe de réversibilité : il s'agit de la possibilité de mettre fin à des projets, de changer de prestataire, sans se retrouver de fait pris dans une chaîne de dépendances sur laquelle nous n'avons plus de pouvoir.
Pour ma part, je n'aime pas recourir au concept de l'alignement des intérêts des parties prenantes. Cette notion est subjective et fluctuante dans le temps. L'on ne peut par conséquent pas baser une stratégie de souveraineté numérique sur un alignement ponctuel des intérêts.
Enfin, il me semble que la souveraineté numérique n'est pas un sujet de texte : ce sujet est avant tout présent dans les têtes. Certains porteurs de projets au sein de l'État font part d'une forme de fatalisme et de résignation. Ils tendent à considérer que le corpus de textes et de réglementations en vigueur – le code des marchés publics, notamment – se focalise uniquement sur la concurrence et briderait ainsi la prise en compte de tout autre enjeu, notamment économique ou d'influence. Je combats au quotidien cette posture. La souveraineté numérique suppose de responsabiliser collectivement les acteurs, afin de donner corps aux trois concepts de liberté, de maîtrise et de réversibilité qui sont au cœur de l'intérêt de l'État.