Intervention de Stéphane Volant

Réunion du jeudi 11 février 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Stéphane Volant, président du Club des directeurs de la sécurité et de la sûreté des entreprises (CDSE) :

J'ai été confronté, et les adhérents du CDSE le sont encore, à ce genre de difficulté dans des appels d'offres. La vraie difficulté n'est pas de savoir si ceux qui décident de recourir à des solutions non souveraines sont des naïfs. Avant cela, il faut se préoccuper des critères que la loi impose dans les appels d'offres. Quand vous êtes face à diverses solutions dont aucune ne vous est officiellement interdite, que vous trouvez une solution moins coûteuse et beaucoup plus performante que les autres, et que la plus coûteuse porte un drapeau national, vous n'allez pas pour autant retenir la solution souveraine. Tout d'abord, ce n'est pas votre intérêt. Ensuite, parce que certains règlements d'appel d'offres vous encouragent à vous tourner vers le moins-disant et non vers le mieux-disant.

C'est pour cette raison que l'ANSSI doit précisément lister les critères de souveraineté, afin qu'il soit possible, au moment de l'appel d'offres, de les appréhender comme tels avec un organisme d'État ou un organisme indépendant.

Le fait d'être souverain vous contraint à être raisonnablement plus cher que les autres. Toutefois, le « raisonnablement » est important. Vous ne pouvez pas, au motif que vous êtes souverain, présenter une offre 50 % ou 60 % plus chère que les autres. Cela doit aussi vous encourager à proposer les mêmes fonctionnalités et la même ergonomie que les solutions de vos concurrents. En effet, si pour un prix identique vous offrez deux fois moins de services et qu'il est trois fois plus difficile d'y accéder, cela ne fonctionnera pas.

Il convient d'aborder le prix de la souveraineté. Des études sont en cours sur ce sujet. Il faut que nous diffusions davantage l'idée que la souveraineté doit être vécue comme une assurance. Au moment où une personne paie sa police d'assurance, celle-ci paraît toujours très chère, mais le jour où les six étages du dessous sont inondés, la personne est très contente d'avoir payé la police d'assurance. En matière de numérique et de souveraineté, c'est la même chose.

Enfin, je pense qu'il faut disposer d'un outil qui permette, dans les appels d'offres, de contourner un certain nombre de règles imposant de prendre le moins-disant. Je faisais précédemment le parallèle avec le fameux SNEAS, qui permet de contourner le code du travail pour prendre en compte le caractère dangereux de la montée du radicalisme dans les entreprises, et d'avoir un organisme d'État qui s'oppose officiellement à l'embauche ou à la promotion de quelques personnels. La loi et le système sont encore imparfaits, mais c'est un bon début. Il faudrait disposer, au moment des appels d'offres, d'un papier de l'ANSSI ou d'un autre organisme avec la mention suivante : « Vous ne pouvez pas retenir, au nom de la souveraineté nationale et donc de vos intérêts d'entreprise, cette solution-là. Nous vous l'écrivons et vous pouvez produire ce papier dans le cadre des commissions d'appel d'offres ». En matière de montée de la radicalisation, nous pouvons en effet produire un papier du SNEAS, par exemple aux Prud'hommes. Un tel document sur la souveraineté nous serait d'une énorme utilité. Aujourd'hui, l'ANSSI fait un travail remarquable, mais nous appelle seulement en off pour nous demander d'éviter de choisir une solution. Non seulement ce n'est pas officiel, mais la solution à éviter est souvent moins chère, plus performante et plus facile d'accès. Il va falloir que nous fassions un effort.

Ce point de vue est celui de l'utilisateur. Il est peut-être « proche des pâquerettes », mais il représente la vraie vie d'une commission d'appel d'offres et d'un dirigeant d'entreprise. Celui-ci se soucie bien entendu des intérêts nationaux, mais il est également piloté par son compte d'exploitation et ne dispose pas des outils juridiques lui permettant de répondre à un certain nombre de vos interpellations.

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