Pour moi, ce n'est pas en contraignant très fortement les fonds d'investissement ou autres que nous réussirons à régler ces problématiques de souveraineté. Ce n'est pas non plus en essayant de brider des velléités capitalistiques autour de start-up, PME ou ETI. Il existe en effet des investisseurs financiers et industriels qui ont envie de réaliser, tandis que d'autres mettent plus de temps ou n'en ont pas envie. Telle est la liberté de chacun : d'ailleurs, tous les exemples d'interventionnisme auprès de start-up ou PME ont peu ou prou abouti à des faillites, voire à la décrépitude des entreprises retenues contre leur gré. Je ne crois donc pas à ce principe.
En revanche, il me paraît urgent de considérer le fait qu'un certain nombre d'entrepreneurs ne sont pas attirés par l'idée de devenir milliardaires à tout prix. D'aucuns associent le profil du patron à la volonté de « s'en mettre plein les poches », mais il faut avoir à l'esprit qu'un certain nombre d'entrepreneurs sont séduits par l'idée de créer des géants mondiaux comme Schneider Electric, Alstom et d'autres sociétés françaises qui ont fantastiquement bien réussi. Or, pour y parvenir, ils ont besoin d'un certain nombre d'instruments qui fonctionnent, à savoir des solutions de sortie pour les investisseurs, c'est-à-dire des solutions permettant de réaliser, sans avoir à revendre là où les capitaux sont les plus nombreux, là où ils s'achètent le plus cher.
Par conséquent, un important travail reste à accomplir afin que les bourses européennes reprennent de la valeur et que les marchés financiers soient alimentés par des capitaux autour de belles histoires industrielles européennes. Le Nasdaq ne constitue pas l'unique modèle ; il faudrait que nous disposions d'un Nasdaq européen. De belles histoires peuvent se réaliser en Europe : des entreprises de cybersécurité, des entreprises numériques, des entreprises spécialisées dans les nouvelles industries pourraient y trouver des débouchés. Enfin, il convient de proposer des instruments capitalistiques permettant de réaliser des acquisitions dans de telles entreprises stratégiques. Il est ainsi tout à fait possible, à l'échelon européen, de mettre en place des poches de financement dédiées, dans un environnement de partenariat stratégique entre le privé et le public.
Pour finir, après avoir entendu la définition juridique de la notion de souveraineté, je préciserai que le numérique recouvre à la fois le cloud, la cybersécurité, les technologies quantiques, l'intelligence artificielle et la robotique, soit des sujets qui ont trait à l'indépendance de la France. Qui aurait pu imaginer la pandémie que nous connaissons aujourd'hui et notre actuelle dépendance aux vaccins ? Quel juriste ou politique aurait pu l'anticiper ? Nous sommes dans un tel état de dépendance qu'il est urgent de mettre en place nos propres territoires numériques, afin de bénéficier d'une vraie autonomie dans un certain nombre de domaines, dont le numérique sera à la fois le moteur et le garant. Il s'agit d'une urgence au service de notre autonomie stratégique. Je mets donc volontairement de côté les problématiques de nationalités, dans ma définition de la souveraineté.