Intervention de Adrien Parrot

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 14h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Adrien Parrot, président de l'association InterHop :

Je suis médecin anesthésiste-réanimateur et informaticien. J'ai travaillé deux ans aux Hôpitaux de Paris, à l'entrepôt de données de santé – une plateforme qui regroupe l'ensemble des données des hôpitaux à des fins de recherche essentiellement. En guise de préambule, je souhaite souligner que l'association InterHop n'est en aucun cas opposée à la recherche en santé. J'en veux pour preuve que j'ai travaillé à l'entrepôt de données de santé de l'AP-HP, qui fait de la recherche. La question n'est pas là. De la même manière, en ce qui concerne le traitement des données, nous sommes conscients de la nécessité que les données ne soient pas accaparées, mais au contraire partagées. InterHop est le diminutif d'« interopérabilité », avec un H pour « hôpitaux ». L'interopérabilité des systèmes d'information est au centre de notre démarche. L'interopérabilité des informations permet d'échanger des informations, au besoin, entre systèmes d'informations différents. La problématique du HDH et de notre combat, par exemple au Conseil d'État, réside dans la protection des libertés fondamentales. Nous agissons exclusivement sur ce terrain. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés à un projet de recherche, comme pourrait l'être le HDH. Le HDH est emblématique d'une problématique systémique, avec plusieurs composantes : une centralisation extrême des données, qui s'oppose par exemple au Ouest Data Hub dont vous a entretenu le Pr Marc Cuggia. Dans ce modèle, les projets peuvent être centralisés mais ils le sont au cas par cas, projet par projet, sans que cela ne devienne la norme : autrement dit, toutes les données ne sont donc pas stockées au même endroit, sur une même plateforme. Enfin, ce sont avant tout les problématiques de Microsoft et de l'extraterritorialité du droit américain qui nous ont alertés.

Concernant les alternatives, outre le Ouest Data Hub ou l'AP-HP, centre dans lequel j'ai travaillé, il existe également des entrepôts de données de santé à Marseille, Toulouse, Bordeaux, Lille, Grenoble – et j'en oublie. Les alternatives sont multiples. Pour revenir à l'exemple de l'AP-HP, son entrepôt de données de santé traite plusieurs millions de données de patients (10 à 11 millions sur le site de l'entrepôt de données de santé) avec une plateforme issue des logiciels open source. Quand je faisais encore partie de l'équipe, l'autonomie numérique était pensée grâce au logiciel open source, celui-ci permettant d'être autonome et de protéger au maximum les données confiées.

L'AP-HP a par ailleurs plusieurs dizaines de projets en cours, sur le Covid -19 actuellement. Si nous voulons aller vite et que nous partons du principe – ce qui est vrai – que le traitement des données et la recherche vont améliorer la qualité de vie et le soin, alors autant renforcer l'existant, que ce soit avec l'AP-HP ou Ouest Data Hub – je n'ai pas de parti pris sur une plateforme en particulier. D'autres alternatives existent. En dehors du secteur public, le Pr Marc Cuggia a parlé du TeraLab tout à l'heure. Le Centre d'accès sécurisé aux données (CASD), qui est homologué au Système national des données de santé (SNDS) et qui possède la certification Hébergeur de Données de Santé (HDS), va jusqu'à proposer des boîtiers physiques où l'utilisateur doit mettre son empreinte digitale pour accéder aux données. Ce système a la qualité de ne pas déporter la sécurité sur le poste utilisateur, celui-ci étant par ailleurs également sécurisé via l'infrastructure. Le boîtier se connecte ensuite à une plateforme, qui peut être une plateforme big data.

Pour finir, je dirai que les critiques sont nombreuses. Elles ne sont pas propres à notre association : la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) ont également émis de telles critiques. Lorsque j'étais encore en poste aux Hôpitaux de Paris, un courrier rédigé par M. Martin Hirsch et révélé par Mediapart avait en outre pointé les risques de perte de confiance des citoyens, des citoyennes et des patients en cas de doute sur l'extraterritorialité, par exemple du droit américain.

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