Intervention de Adrien Parrot

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 14h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Adrien Parrot, président de l'association InterHop :

On voit bien que les enjeux sont moins liés au Cloud Act, qu'aux autres textes, de portée extraterritoriale, des États-Unis. On pourrait aussi se poser la question des répercussions, et si cela ne reste qu'un risque. Sur ce terrain, il faut déjà dire que cela ne concerne pas uniquement le terrorisme. J'en veux pour preuve M. Frédéric Pierucci, ancien cadre d'Alstom, qui s'est fait arrêter aux États-Unis et a passé plusieurs mois dans un quartier de haute sécurité, parce que l'État américain avait eu accès à des données provenant de ses mails. C'est bien la portée extraterritoriale du droit américain qui a des répercussions et qui fait pression sur les entreprises – françaises, en l'occurrence. Nous ne parlons pas que du terrorisme, mais de l'intelligence économique au sens large. Il ne faut pas être naïf : les données de santé constituent aussi des enjeux économiques importants. À titre d'exemple, l'investissement sur les données de santé compte pour un tiers du budget « santé » d'Alphabet, la maison-mère de Google.

Concernant les enjeux autour des données de santé, plus précisément, le logiciel libre a pour principe central l'autonomie des utilisateurs et des utilisatrices. Ces derniers peuvent lancer le logiciel directement sur leur poste de travail. Avec l'arrivée du cloud et des serveurs distants, cette autonomie s'effrite progressivement, heurtant de plein fouet les enjeux liés aux données de santé. L'un des principes fondateurs de la médecine réside dans le serment d'Hippocrate, autrement dit dans le secret médical. On sait qu'il n'y a pas de confidence sans confiance, et que le secret permet de créer une relation de confiance entre le médecin et le patient. En parallèle, les données doivent être utilisées à des fins de recherche. Les données constituent en quelque sorte l'or du 21ème siècle, dans la mesure où les algorithmes d'intelligence artificielle, les réseaux de neurones, apprennent grâce aux données. Nous avons donc besoin de traiter des données. Cela n'est pas nouveau : la recherche les utilise depuis plusieurs années. Nous sommes confrontés à une balance bénéfices/risques, où il faut faire de la recherche tout en conservant un cadre de sécurité pour ne pas faire peur, pour garder la confiance millénaire, pluri-centenaire, de la relation médecin-malade. Cet enjeu de confiance est central.

Je vais citer une phrase, relative au développement des plateformes, du rapport de la mission présidée par M. Éric Bothorel : « les infrastructures nécessaires à la donnée sont de plus en plus exposées à des formes de dépendance logicielles, ce qui soulève un enjeu d'autonomie stratégique. Il ne faut surtout pas que le patient ou la patiente soit pris dans des enjeux d'autonomie et perde confiance dans le système. Les retentissements en termes de santé publique peuvent aussi être importants sur ce terrain-là ».

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