Pour la CNAM, en tant que producteur et utilisateur de données jouant un rôle de régulateur du système de santé, la souveraineté numérique permet surtout une exploitation la plus efficace possible des données pour alimenter la recherche, la santé publique et l'innovation, sans que les innovations en santé en France dépendent de pays qui construiraient des bases de données à même de porter des projets scientifiques et technologiques, mais aussi de les assurer. Il n'est pas certain en effet que le cadre organisationnel propre à la France permettrait de produire les mêmes résultats en utilisant des données produites dans d'autres pays et d'autres contextes.
S'agissant du partage des données de santé et des freins éventuels existant à cet égard, il faut d'abord souligner que le SNIIRAM et le SNDS ont déjà été très utilisés. Ils permettent la réalisation de 150 projets d'études par an par des opérateurs publics ou privés, et le benchmark présenté par le Health Data Hub, il y a quelques semaines, lors de son assemblée générale montre que le nombre de projets ainsi conduits n'est pas tellement supérieur, dans d'autres pays, même si les contenus des bases de données exploitées ne sont pas nécessairement comparables. Certaines des bases de données étrangères sont moins larges en nombre, mais contiennent davantage de données médicalisées, ce qui leur donne des potentiels différents. L'avantage du SNDS est toutefois d'être exhaustif quant à la population, ce qui lui confère une puissance statistique sans égal pour les études qu'il est censé rendre possibles.
Ces projets peuvent être menés par des opérateurs publics ou privés, mais ils ne peuvent évidemment pas utiliser ces données pour des finalités interdites par la loi, comme la modification des contrats d'assurance individuels et la promotion des produits de santé auprès des professionnels. Les projets qu'ils présentent doivent donc pouvoir exclure ces finalités.
Par ailleurs, le SNIIRAM-SNDS contient des données administratives, recueillies à des fins premières de gestion, et non d'étude. L'exhaustivité et la précision de ces données (qui incluent le code CIP des médicaments et le codage précis des actes réalisés) permettent d'analyser les systèmes de recours aux soins avec une grande efficacité. Néanmoins, ces données ne sont pas construites initialement pour des finalités d'étude, et leur réutilisation dans ce cadre requiert une expérience et une formation importantes. C'est pourquoi la CNAM accompagne, depuis dix ans maintenant, des centaines de chercheurs afin qu'ils puissent réaliser leurs études. Elle a récemment publié un article dans la Revue française de santé publique dressant le bilan de l'utilisation de ces bases de données, et montrant notamment qu'un nombre extrêmement important d'études recourant à ces données ont été référencées dans des revues à comité de lecture, ce qui en montre le succès.
Le SNIIRAM-SNDS contient toutefois assez peu de données médicales : les résultats des tests, les stades des cancers, etc. n'y sont pas fournis. Son potentiel vient donc essentiellement des registres et des cohortes qui sont organisés par ailleurs par de nombreuses unités de recherche, et qui sont malheureusement encore assez insuffisamment utilisés, notamment en appariement avec le SNIIRAM, alors que ces données sont extrêmement complémentaires. En effet, les entrées des cohortes et des registres passent par des pathologies très précises, auxquelles le SNIIRAM-SNDS pourra associer très précisément l'ensemble des comorbidités auxquelles les patients sont soumis également, en permettant ainsi de comprendre leur parcours de soins au-delà de la seule pathologie concernée par la cohorte ou le registre.