Intervention de Julien Nocetti

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 14h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Julien Nocetti, docteur en sciences politiques, chercheur associé à l'institut français des relations internationales (Ifri) :

Cette question est presque vertigineuse. Vous avez à juste titre évoqué cette forme de suivisme et d'approche défensive de l'Union européenne, notamment en matière de numérique ou de cybersécurité. Différents éléments peuvent pourtant nous apporter un peu d'espoir ou donner matière à réfléchir. Je pense ici aux différentes initiatives récemment avancées en matière de 6G. Dans la mesure où nous sommes encore dans une phase embryonnaire de déploiement de la 5G, parler de 6G pourrait sembler très abstrait. Pourtant, des réflexions et des projets très concrets ont déjà été initiés dans ce domaine.

De fait, si l'Europe pouvait s'engouffrer dans des niches – certes étroites – d'excellence, il s'agirait plutôt de niches intégrant une dimension normative et de standards. On doit bien comprendre que la plupart des tensions numériques et technologiques des quatre ou cinq dernières années ont étroitement associé des enjeux de normes et standards. Auparavant, ces enjeux relevaient de processus de régulation extrêmement techniques. Aujourd'hui, ils ont pris une dimension géopolitique extrêmement puissante. Dans ce domaine, les Européens ont également pris conscience de leur propre retard. La 5G a évidemment jeté une lumière assez crue sur cette réalité, notamment du côté américain, puisque nous avons compris que les Américains ne maîtrisaient pas tout le spectre de la technologie 5G. En Europe, la situation est quelque peu différente, avec des acteurs comme Nokia ou Ericsson disposant de leurs propres savoir-faire.

Quoi qu'il en soit, des niches d'excellence sont nécessairement à prendre du côté européen. Dans certains domaines comme la cybersécurité, l'identité numérique ou l'algorithmie, l'Europe dispose de savoir-faire de pointe et de pépites, avec des expertises personnelles et collectives – centres de recherche, laboratoires, start-up – extrêmement pointues. De fait, pour répondre indirectement à votre question, l'Europe pourrait se montrer plus proactive en assurant la défense et la protection de tels acteurs face à des stratégies prédatrices extrêmement classiques. Nous devons investir des niches d'excellence susceptibles de réduire notre dépendance à d'autres acteurs extra-européens, tout en nous donnant la capacité de protéger nos propres acteurs. Comme l'actualité l'a récemment montré, certains acteurs majeurs de la cybersécurité ont été rachetés par des concurrents étrangers. Différentes pistes doivent donc être explorées dans ce domaine.

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