Intervention de Julien Nocetti

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 14h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Julien Nocetti, docteur en sciences politiques, chercheur associé à l'institut français des relations internationales (Ifri) :

La question est évidemment très vaste. J'évoquais précédemment le concept d'autonomie stratégique et sa réappropriation partielle par la « bulle bruxelloise », par le biais de certaines initiatives technologiques et numériques. Or ce concept est bien issu du contexte stratégique français. De fait, cette idée d'autonomie stratégique numérique a pu être perçue, par certains États européens à Bruxelles, comme une volonté française d'être, sinon hégémonique, du moins beaucoup plus présent dans le débat, quitte à essayer d'en imposer les termes. Certains de nos partenaires européens le ressentent ainsi.

Par ailleurs, nos partenaires observent également que la France mène, surtout depuis 2017, une diplomatie de la conférence très soutenue en matière de numérique, avec la succession – presque chaque année – d'évènements internationaux. Je pense ici aux évènements TechForGood et VivaTech, ainsi qu'aux réceptions d'acteurs de la Tech et de patrons américains à Versailles ou à Paris. Scénarisés en grande pompe, ces évènements sont parfois observés avec une forme d'amusement chez certains de nos voisins, qui y voient surtout une volonté de la France de se mettre en avant, au détriment d'une approche plus collective et plus européenne. Je ne fais ici que retranscrire une partie du regard de certains partenaires, qui est assez présente en Allemagne et en Italie, où cette mise en avant de la France suscite parfois quelques critiques.

N'oublions pas, cependant, que la France a été motrice vis-à-vis de certains processus, notamment dans l'Appel de Christchurch. Formulées dans la foulée de l'attentat de 2019, les propositions de la Première ministre néozélandaise sur la nécessité de lutter contre les discours de haine en ligne avaient été relayées par la présidence française, avec une dimension européenne, ce qui avait été positivement perçu par nos partenaires.

Un autre élément m'amènerait peut-être à réagir de manière plus nuancée. Je pense ici à la diplomatie de la cybersécurité, avec l'Appel de Paris, qui associe différents partenaires étatiques, privés et associatifs, et qui est sans doute l'élément majeur de cette diplomatie numérique à la française. In fine, cet Appel de Paris de novembre 2018 a bénéficié d'un insuffisant service après-vente, si je puis parler crûment. Cet effort pourrait pourtant être soutenu. D'ailleurs, différentes commissions et différents groupes de travail s'efforcent aujourd'hui de prolonger les propositions de l'Appel de Paris. Néanmoins, en échangeant avec des officiels et des experts extra-européens, on comprend que les propositions françaises formulées dans l'Appel de Paris demeurent peu connues et qu'elles n'ont guère été relayées après l'évènement de novembre 2018.

De fait, la diplomatie de la conférence conduite par la France traduit aussi une stratégie d'affichage qui n'est pas toujours suivie d'effets. Cet aspect de notre politique pourrait donc être plus soutenu et plus efficient, sachant que la diversité des enjeux traités dans ces multiples initiatives et évènements requiert des moyens qui, parfois, font aussi défaut à l'ensemble de l'appareil diplomatique français.

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