Intervention de Pierre Lelièvre

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Pierre Lelièvre, vice-président « Identité digitale » de la société IDEMIA :

Il faut établir une distinction entre le volet lié au document et le volet numérique de l'identité française. Ce dernier a été lancé en 1974, avec l'initiative SAFARI (système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus), qui s'est conclue par la création de la CNIL (commission nationale de l'informatique et des libertés). Nous avons donc pris le temps de bien étudier les différents modèles dont il était possible de s'inspirer. Un certain nombre d'expérimentations ont ainsi été réalisées en France, nous permettant de tirer de nombreux enseignements des initiatives passées. J'espère à présent que l'accélération dont nous avons besoin se produira dans les mois à venir, tant en matière de volume que de valeur apportée par l'identité numérique.

La qualité du résultat du développement d'algorithmes dépendra de la qualité de la donnée initialement injectée. Nous disposons encore d'une certaine avance en la matière mais sans accès à la donnée, cette avance finira par être remise en question. Or les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont eu accès à un volume de photos sans précédent. L'enjeu est donc de pouvoir accéder à ces données, pour les transposer en informations biométriques et ainsi améliorer les performances de l'algorithme.

Dans le monde, il n'existe pas une façon unique de traiter un système d'identité numérique. En Europe, le modèle estonien sert de point de référence, avec une taille critique permettant de prendre des décisions plus facilement. Il a tout de même fallu près de vingt ans avant que ce système obtienne un taux de pénétration satisfaisant.

La vraie question pour la France est de savoir comment se donner les moyens d'une identité numérique accessible à tous. Pour y parvenir, le virage vers le « tout numérique » est souvent évoqué, mais celui-ci devra tout de même être accompagné, notamment de pédagogie. Des moyens humains seront nécessaires, afin de proposer des parcours alternatifs. Quoi qu'il en soit, l'utilisation d'un modèle complètement numérique ne nous semble pas réaliste et ne constituera pas un facteur clé pour créer la confiance entre les utilisateurs et la technologie.

L'Estonie se repose fortement sur son titre sécurisé équipé d'une puce permettant d'accéder à un panel de services en ligne. Dans ce pays, il est possible d'effectuer l'ensemble des opérations de la vie de tous les jours grâce à son identité numérique.

D'autres modèles étrangers s'appuient sur des infrastructures radicalement différentes. En effet, chaque pays où nous intervenons présente une législation et une population qui lui sont propres. En 2010 par exemple, l'Inde a démarré son virage vers l'identité numérique, en déployant le programme Aadhaar. L'État a alors demandé à ses citoyens de partager leurs informations biographiques et biométriques, dans un but de pratiquer la déduplication. Cette technique permet de valider qu'une même personne n'existe pas sous plusieurs noms différents. Plus de 90 % des 1,3 milliard d'Indiens ont été « embarqués » dans ce système. Équiper autant de personnes d'un titre sécurisé a toutefois représenté un coût très élevé.

En plus de disposer de documents sécurisés, certains gouvernements d'Amérique latine se sont par ailleurs dotés d'un système biométrique permettant aux différents acteurs des pays de vérifier l'identité des personnes.

De son côté, le modèle européen s'est tourné vers un titre sécurisé, pour des raisons historiques. Dans tous les cas, l'identité numérique implique de passer par plusieurs étapes. Il faut d'abord valider le document en lui-même, avant de s'assurer que sa date de péremption n'est pas dépassée. Seul le Gouvernement est en mesure d'effectuer ces opérations. Une fois le titre d'identité validé, ce même Gouvernement se charge d'y associer le porteur. Plusieurs technologies existent pour y parvenir. La biométrie est par exemple très largement déployée dans le monde, en raison de sa grande facilité d'utilisation.

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