Intervention de Cosimo Prete

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Cosimo Prete, président de la société Crime Science Technology :

L'absence d'appel d'offres pour la partie relative à la conception physique du document constitue une véritable difficulté. Cette situation est liée au monopole régalien de l'État, qui exclut toute forme de compétitivité technologique et économique.

Une autre difficulté majeure concerne les effectifs de l'ANTS, qui ne comptent plus qu'un seul ingénieur spécialisé. L'agence cherche donc actuellement à recruter un chef de projet pour le programme CNIe, ce qui paraît inquiétant.

Il n'est pas possible d'être expert à la fois de la partie juridique, normative et industrielle. Or il me semble qu'une seule personne est pour l'instant en charge du sujet et le porte à bras-le-corps. Au final, une forme de déséquilibre se crée entre le donneur d'ordre et l'exécutant. Faute de pouvoir pleinement engager sa responsabilité, en raison d'un manque d'expertise, il me semble que le projet repose davantage sur l'exécutant.

Dans le même temps, l'avis des experts de la police et de la gendarmerie n'est plus écouté, car ces derniers s'autocensurent, faute de pouvoir exiger des technologies. Par conséquent, pour un élément de sécurité donné, l'ANTS affirmera que l'Imprimerie nationale ne lui a soumis aucune proposition, alors que l'Imprimerie nationale répondra que l'ANTS ne lui a pas demandé l'élément de sécurité en question. De fait, l'Imprimerie nationale finira par l'emporter, car c'est elle qui propose la combinaison figurant sur le document final.

Il n'existe pas de cahier des charges mais plutôt des cibles de sécurité posant une problématique opérationnelle de terrain, à laquelle une réponse tente d'être apportée sans y associer de nombre de sécurités. Tout le monde finit ainsi par se renvoyer la responsabilité, pour aboutir à une forme de raisonnement circulaire. À l'arrivée, une réponse est apportée à la cible de sécurité mais il n'est pas certain que celle-ci soit la meilleure possible.

Le Règlement de l'Union européenne formule des demandes très précises. Par exemple, pour une encre optiquement variable, différentes solutions existent sur le marché. Il est alors très simple de comparer les éléments de sécurité, au moins en ce qui concerne la partie physique. Ces éléments présentent trois niveaux de contrôle : à l'œil nu, avec un petit appareillage, en laboratoire. Un quatrième niveau sera bientôt ajouté, avec le téléphone portable. Lorsqu'un élément de sécurité retenu ne peut être vérifié que sur un seul niveau de contrôle alors qu'une autre technologie répondant à la même fonctionnalité peut se vérifier sur quatre niveaux de contrôle, je m'interroge sur la politique mise en œuvre. Il semble en effet que la politique du « moins-disant » soit privilégiée, par méconnaissance des éléments de sécurité et des technologies déployées sur le terrain.

En 2018, l'Imprimerie nationale a pris l'initiative, avec l'ANTS, de proposer notre technologie à la Commission européenne, pour sécuriser le TSE. La technologie a alors été éprouvée en profondeur par l'Imprimerie nationale. Nous avons ensuite été « retoqués », au motif que l'ANTS et l'Imprimerie nationale considéraient que notre technologie ne répondait pas à la norme. Trois ans plus tard, nous avons pourtant appris que la norme avait mal été interprétée. Ironiquement, notre technologie en question est désormais classée dans le top 50 de cette norme.

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