Intervention de Rémy Ozcan

Réunion du jeudi 22 avril 2021 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Rémy Ozcan, président de la fédération française des professionnels de la blockchain (FFPB) :

La question de la souveraineté numérique revêt une importance fondamentale pour l'avenir de notre nation et de nos entreprises. La crise sanitaire a mis en lumière notre forte dépendance économique et technologique vis-à-vis des autres pays et des grandes entreprises étrangères. L'avènement d'Internet et des nouvelles technologies a converti l'espace numérique en l'un des principaux terrains de lutte d'influence économique et politique.

La blockchain peut constituer une arme d'émancipation par rapport aux autres puissances mondiales, dans la mesure où elle permet de créer et d'échanger de la valeur à l'échelle internationale en s'affranchissant du système monétaire de Bretton Woods, plaçant le dollar au cœur du système financier mondial. Ces quinze dernières années, les États-Unis ont manifesté la volonté d'utiliser leur devise pour imposer leur propre réglementation hors de leur territoire. L'Union européenne souhaite aujourd'hui s'émanciper autant que possible de la tutelle des États-Unis. Dans le même temps, le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud (les pays BRICS) ont impulsé un mouvement de dédollarisation du système financier mondial.

La Chine a d'ailleurs résolu d'utiliser la technologie blockchain, en tant qu'arme géopolitique, pour accélérer la dédollarisation, qu'elle associe à l'émergence de la Route de la soie. La Russie et la Chine ont en effet établi, à la faveur des changements climatiques, une nouvelle Route de la soie qu'elles souhaitent rendre accessible aux entreprises de toute la planète. Lors du dernier sommet du Groupe des vingt (G20), le dirigeant chinois, Xi Jinping, a estimé nécessaire de soutenir le développement des monnaies numériques de banques centrales (Central bank digital currency : CBDC). Le yuan numérique a dès à présent cours. Les entreprises qui voudront utiliser la route de la soie se verront contraintes d'y recourir en tant que monnaie de règlement des échanges commerciaux internationaux.

Un nouvel ordre financier mondial s'annonce. La technologie blockchain en constituera à n'en pas douter un pilier. Plus de quatre-vingts banques centrales expérimentent actuellement la création de monnaies de banque centrale à l'aide de la technologie blockchain. De telles monnaies présentent l'avantage d'assurer la maîtrise des flux monétaires et de faciliter l'ajustement des politiques monétaires. La simplification de l'échange d'actifs grâce à la technologie blockchain améliore en outre l'efficience économique. Comme cette technologie garantit la traçabilité des transactions, elle contribue enfin à la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent.

Cet été, la Banque centrale européenne (BCE) décidera très probablement de créer un euro numérique, qui devrait voir le jour au plus tard en 2025. La technologie blockchain apparaît donc comme une arme de redistribution des cartes du système monétaire et financier international.

La pandémie a entraîné une numérisation massive et rapide des services et des produits. Les prochaines guerres ne se livreront pas sur un terrain terrestre mais dans l'espace numérique. La blockchain permet de sécuriser les échanges et les données en préservant leur intégrité. Autrement dit, il ne suffit pas de les intercepter pour les exploiter. Il faut encore s'approprier leurs clés de lecture, sans lesquelles elles ne présentent aucune utilité. Certains pays l'ont déjà compris : Israël ou la Russie recourent à la technologie blockchain dans le domaine de la cybersécurité.

À l'échelle de l'Union européenne, je préconise la rapide mise en place d'un euro numérique. Il éviterait que nous soit une fois de plus imposée une monnaie étrangère dans le commerce international. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) devrait par ailleurs superviser un recours généralisé à la technologie blockchain pour protéger nos infrastructures et favoriser la commercialisation et le développement de nos produits et services français à l'étranger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.