Intervention de Simon Polrot

Réunion du mardi 27 avril 2021 à 10h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Simon Polrot, président de l'association pour le développement des actifs numériques (ADAN) :

Notre association compte à peu près soixante-dix membres, tous dans le domaine des crypto-actifs. Nous avons donc un angle particulier, autour de la représentation de valeurs sur la blockchain. C'est le domaine dans lequel nous constatons le développement d'une réelle industrie ad hoc, avec beaucoup d'enjeux liés au développement économique, à la compétitivité de la France et à la souveraineté. Nous souhaitons que la France devienne un acteur très compétitif dans le domaine des crypto-actifs – domaine qui est en train de se développer de façon exponentielle depuis maintenant quelques années. Nous en parlons beaucoup en ce moment, mais c'est le résultat de nombreuses années de travail.

La souveraineté dans le domaine du numérique, et plus particulièrement dans celui des crypto-actifs, peut se définir comme la maîtrise par la France de son destin à l'heure du numérique, ce qui suppose de garder une forme de contrôle, de comprendre et d'anticiper les enjeux (et d'abord les enjeux numériques mondiaux), de construire une position stratégique permettant d'assurer la compétitivité économique de la France ainsi que la liberté et la sécurité des citoyens dans le cyberespace, c'est-à-dire dans l'espace numérique dans lequel citoyens et entreprises interagissent. Avoir une souveraineté numérique, c'est, à la fois, en tant qu'État, assurer une compréhension et une présence, et assurer aussi à ses citoyens une forme de protection et de liberté dans ce monde numérique.

Dans le domaine des crypto-actifs, et de la valeur numérique en particulier, les grands enjeux de souveraineté sont :

– la connaissance des technologies et des usages par les différents services de l'État, une maîtrise qui permet ensuite d'agir ;

– l'existence, l'émission d'une ou plusieurs valeurs souveraines (c'est toute la question de l'euro numérique, sous différentes formes de représentation) ;

– le déploiement d'outils publics à destination des citoyens et des entreprises sur ces réseaux publics que constituent les blockchains, qui sont un peu similaires à Internet ;

– et une régulation adaptée des usages, qui permet une protection et favorise l'innovation sur ces réseaux.

Les crypto-actifs présentent des intérêts intrinsèques du fait de leur sous-jacent technologique. Ils sont à la fois traçables, transparents, « auditables ». Il est possible d'automatiser leur transfert via les smart contracts. Il existe des enjeux de liquidité. D'autres États ont pris la mesure des avantages de ces crypto-actifs dans le système économique, et sont en train d'inciter très fortement au développement de ces cas d'usage. Il existe donc un enjeu de compétitivité lié à ces actifs. Dans une vision souveraine de ces actifs, il convient de les évaluer de façon experte, compte tenu des différentes caractéristiques qui peuvent varier selon la technologie, les niveaux de décentralisation du protocole, les règles de confidentialité, de gouvernance, de résilience, etc.

Il est très important de ne pas confondre souveraineté et technologie nationale. J'y reviens dans le contexte d'une technologie de rupture comme les crypto-actifs, en faisant le parallèle avec Internet. L'erreur qui a été faite en France fut de vouloir recréer un Internet national, de faire une version centralisée et française d'un réseau public d'échanges de données, et donc de créer le Minitel, ce qui était une mauvaise stratégie à long terme, puisque Internet a pris le dessus et que nous ne nous y sommes pas positionnés en tant que fournisseurs de cas d'usage – pas suffisamment tôt, en tout cas, et pas suffisamment fortement.

Dans le numérique, nous accusons aujourd'hui un retard sous différents aspects. Notre message consiste à dire que la blockchain est un peu comme Internet, mais pour la valeur. Ce sont des réseaux publics, accessibles, ouverts, open source. La tentation de créer une blockchain française, selon nous, est mauvaise. Nous avons déjà des réseaux qui fonctionnent et qui sont plus ou moins résilients en fonction de leurs différentes caractéristiques. Il existe un enjeu de maîtrise, mais il convient aussi de ne pas « réinventer la roue ». Utiliser les réseaux ouverts qui existent et déployer des cas d'usage sur ces réseaux nous semble être la meilleure façon de contribuer et de fournir aux citoyens des services qui leur sont réellement utiles, puisque c'est là que se situent l'attraction et l'activité économique dans ce secteur. Les blockchains publiques existantes (Bitcoin, Ethereum, Tezos, Cosmos, Volcano) doivent être regardées. Parler de blockchain nationale, à ce niveau-là, n'a pas vraiment de sens. La souveraineté sur les réseaux publics comme Internet ou les blockchains passe essentiellement par le développement de cas d'usage, la maîtrise des technologies et des réseaux existants, de leur gouvernance, et non par la création d'un nouveau réseau français. Ce serait mal diriger les efforts que de vouloir diriger un équivalent franco-français des réseaux publics qui existent aujourd'hui.

S'agissant des actifs, en revanche, les enjeux ne sont pas les mêmes. Quand on a des actifs qui sont émis par des personnes, il est important d'avoir une certaine maîtrise sur eux, et notamment de posséder des actifs souverains (l'euro numérique, par exemple). Cela fait partie des enjeux très importants en matière de représentation de valeurs. La recommandation générale est d'envahir ces réseaux plutôt que d'en créer de nouveaux.

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