La France est un peu en retard en termes de cycles de marché, mais c'est une réalité européenne. Le marché européen est assez morcelé. L'essentiel des acteurs et des volumes sur le territoire européen, au sens large, sont localisés au Royaume-Uni et en Suisse. Finalement, parmi les pays membres de l'Union européenne et situés en Europe continentale, il y a assez peu d'acteurs significatifs. Il existe quelques exceptions de taille moyenne, des plateformes d'échange, des conservateurs. En France, Ledger est tout de même un acteur important en taille, qui a largement dépassé les autres acteurs de l'écosystème. Une des spécificités du marché européen est de se concentrer sur la fourniture de liquidités et sur les brokers.
Le marché européen est réglementairement très morcelé. Chaque pays a son approche différente, ce qui va jusqu'à une différence d'approche juridique des crypto-actifs, que certains assimilent à des actifs financiers, d'autres à des biens. D'autres encore ont créé des régimes ad hoc, comme la France avec la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE) – ce qui crée des distorsions assez importantes pour un acteur souhaitant aborder l'ensemble du marché européen, et qui devra mener des analyses juridiques pays par pays, ce qui constitue un vrai obstacle aujourd'hui.
Pour faire un peu de prospective, le projet de Règlement européen sur les crypto-actifs MICa (Markets in crypto-assets) et le Pilot Regime for market infrastructures based on distributed ledger technology (régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués) sont des initiatives très positives qui viennent compléter les initiatives déjà réalisées en France. MICa est très inspiré du régime français. Il s'agit d'un régime ad hoc, qui accorde un statut particulier aux crypto-actifs et aux acteurs. En tant qu'association, nous avons quelques remarques à faire sur le régime, mais son principe est très positif. Il va permettre de construire un marché unique européen des crypto-actifs, et aux acteurs européens d'aborder immédiatement l'ensemble du marché, ce qui va dans la bonne direction.
Les faiblesses du marché portent sur le financement, et sont dues à des blocages institutionnels, qui sont à la fois culturels et fonctionnels. Pour les acteurs des crypto-actifs, par exemple, il est quasiment impossible de créer des comptes bancaires, les acteurs bancaires ne souhaitant pas s'engager sur le marché des crypto-actifs. Ce refus va jusqu'au refus d'ouvrir un compte. Ce n'est pas seulement qu'ils ne souhaitent pas accompagner, c'est qu'il est impossible pour les acteurs de réaliser une activité économique en France. Les acteurs français sont obligés d'ouvrir des comptes à l'étranger pour réaliser leurs activités, ce qui pose un certain nombre de problèmes en termes d'accès au financement, d'accès à la clientèle – il est beaucoup plus difficile d' onboarder des clients quand vous avez un RIB allemand ou luxembourgeois. Un certain nombre de problèmes fonctionnels sont liés à l'accès au compte. Il est important de le dire.
Cela dit, la France possède des atouts. Ledger, par exemple, représente une belle success story. Les acteurs ont eu l'intelligence, compte tenu des problématiques locales, de se tourner très vite vers l'international. Les entreprises françaises réalisent des volumes importants avec des acteurs étrangers. Nous avons une industrie dont quelques acteurs sont assez connus dans l'écosystème crypto-actifs, en dehors de la France.
Nous ne parlons que des crypto-actifs car nous sommes concentrés sur ces cas d'usage. On y voit l'industrie se développer ainsi que les grands enjeux de souveraineté pour le futur. Les grands groupes industriels s'intéressent également à la blockchain, ce qui est positif. Nous espérons que cet intérêt pour les crypto-actifs va se généraliser, puisque, selon nous, c'est là que se situent les enjeux.