Intervention de Simon Polrot

Réunion du mardi 27 avril 2021 à 10h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Simon Polrot, président de l'association pour le développement des actifs numériques (ADAN) :

Les crypto-actifs se sont créés en dehors du monde financier traditionnel. C'est un outil technologique qui a été créé par des technophiles. Cela a été construit – et c'est toujours le cas aujourd'hui – par des acteurs qui ne font pas partie du monde des acteurs financiers traditionnels. Dès le départ, cela a été quelque chose d'un peu marginal. C'est d'abord un support technologique sur lequel s'est construite une valeur. Ensuite, c'est à partir de l'usage, de la création de produits autour de ce support technologique que s'est créée une industrie. C'est un phénomène inédit dans la création de la valeur – en tout cas depuis bien longtemps. Le monde financier est un monde extrêmement réglementé. Quand elles arrivent dans le secteur, même les fintechs sont déjà intégrées aux réglementations existantes. Elles demandent parfois des extensions ou la possibilité de réaliser des choses nouvelles. Des progrès sont réalisés de façon incrémentale dans la réglementation financière, mais les crypto-actifs sont disruptifs par rapport à cette industrie, puisqu'ils se construisent en parallèle. Cela s'est construit, dans un premier temps, dans une absence de réglementation, dans un vide juridique, puisque cela était complètement nouveau et que ce n'était pas capté par la réglementation existante.

Les caractéristiques particulières des crypto-actifs, qui les rapprochent beaucoup plus de biens physiques, comme l'or, que d'une monnaie telle qu'on la connaît aujourd'hui, ont entraîné beaucoup d'incompréhension. Les communautés crypto-actifs et les communautés financières se sont assez mal comprises. Elles employaient les mêmes mots, sans désigner les mêmes choses. Dans l'historique de développement du bitcoin, il y a des usages liés au marché noir, au financement d'activités illicites, etc. Il y a donc un historique un peu compliqué dans la création de ces actifs, qui a entraîné une méfiance du secteur bancaire traditionnel, et même une forme de mépris pour cet outil de geek, de technophile, qui n'était pas sérieux. C'est souvent le cas des innovations de rupture : on les considère au début comme ridicules et marginales, avant que cela ne devienne quelque chose d'important.

Une vraie transformation s'est produite dans certains secteurs d'activités, et ces usages entrent. Une collision entre le monde financier traditionnel et le monde des crypto-actifs se fait un peu dans la douleur. Nous avons une normalisation progressive de ces activités, qui sont maintenant complètement encadrées. S'agissant de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, il existe des guidances internationales et des implémentations spéciales en France. Certains acteurs sont supervisés par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), et leurs dispositifs de lutte contre le blanchiment sont validés avant que l'activité puisse démarrer. Certains établissements « cryptos » deviennent des banques : cela devient assez régulier aux États-Unis, où de telles annonces sont effectuées tous les quinze jours. Des acteurs du paiement traditionnel s'intéressent aux crypto-actifs. Des initiatives mènent à une convergence, et finalement une utilisation de ces crypto-actifs en conservant l'intérêt de leurs caractéristiques essentielles : la possibilité de pouvoir appréhender directement l'actif, de pouvoir l'échanger de pair à pair, d'utiliser des cas d'usage innovants, etc., tout en ayant des acteurs réguliers, qui permettent de construire une infrastructure de confiance autour de ces crypto-actifs.

Le problème est le passage de la construction de tous ces outils à leur prise en compte effective par l'industrie bancaire et financière. Nous constatons un retard, qui peut être lié à de nombreuses raisons, des blocages culturels, des positions fortes prises par les acteurs bancaires ces dernières années, qui se sont prononcés contre les crypto-actifs et peuvent difficilement se dédire. Pour nous, ce n'est qu'une question de temps. Nous souhaitons accélérer ce mouvement afin que la confiance se reconstruise. Il s'agit aujourd'hui vraiment d'un problème de confiance des acteurs bancaires, difficile à appréhender, parce que nous manquons de ressorts en dehors d'envoyer des messages positifs et de montrer des gages de sérieux.

Nous constatons tout de même une assez mauvaise volonté d'un certain nombre d'acteurs dans l'industrie pour se pencher sur ce sujet sensible. Nous espérons que ce type d'initiatives – notamment ce rapport, mais d'autres également – enverront des messages plus positifs autour du développement de l'industrie.

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