Notre vision à moyen et long termes est que tout ou partie de l'industrie financière au sens large va se construire sur les crypto-actifs, sur des réseaux publics de valeurs, avec tous les cas d'usage innovants qui le permettent. Nous voyons déjà des signaux faibles de cette fusion, dans certains cas marginaux. Dans notre vision à dix ou vingt ans, l'industrie financière et l'industrie des crypto-actifs seront une même chose. Selon moi, la peur des banques s'assimile à la peur de l'industrie culturelle face à Internet. Il est inévitable que tout ou partie de la finance passe par les crypto-actifs dans les prochaines années. Toute velléité de freiner ou d'empêcher cette réalisation ne fera que provoquer un retard considérable de l'industrie bancaire et financière dans ce secteur. Elle va se trouver confrontée à des nouveaux géants qui la remplaceront, si elle ne devient pas compétitive.
Le premier signal extrêmement fort, qui est un tremblement de terre dans le système financier, est l'entrée en bourse de Coinbase ce mois-ci. Aujourd'hui, Coinbase est tellement « gros » qu'une banque ne peut pas le racheter. C'est un acteur qui offre des services sur un nouveau secteur complètement distinct du secteur bancaire, complètement parallèle. Du fait du refus d'aller dans ce secteur, un dépassement intervient déjà pour un certain nombre de cas d'usage – pas tous bien sûr. Ce signal doit être pris très au sérieux.
L'industrie bancaire et financière doit entrer de plain-pied dans ce secteur car elle est extrêmement puissante en Europe, très structurante dans l'économie et dans la manière dont l'économie peut fonctionner de façon efficiente. Si des acteurs américains acquièrent la domination sur toute l'infrastructure économique parce qu'ils sont allés vers cette économie, vers ces nouveaux actifs, alors que les Européens n'auront pas voulu le faire, nous allons nous retrouver dans un écosystème davantage dominé par d'autres pays. Nous sommes déjà complètement dominés économiquement, sur le plan des « autoroutes de l'information » d'Internet. Si l'on refait la même erreur pour les autoroutes de la valeur, nous ferons face à un vrai problème de souveraineté à long terme. Il convient de lever le plus vite possible les blocages de l'industrie bancaire et financière. C'est une urgence pour l'Europe, qui repose, beaucoup plus que les États-Unis, sur ces acteurs pour financer son économie.