Intervention de Jean-Marc Merriaux

Réunion du mardi 4 mai 2021 à 10h10
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Jean-Marc Merriaux, inspecteur général de l'Éducaton nationale, directeur du numérique pour l'éducation :

La question de la souveraineté ne saurait être envisagée hors du contexte historique propre à notre pays. Rappelons le rôle de premier plan joué par la France dans le déploiement du RGPD, mais aussi la loi Informatique et libertés de 1978, sur laquelle repose en grande part ce RGPD. La logique suivie par la France l'amène à axer sa souveraineté sur l'enjeu de la protection des données et de leur usage possible en regard des libertés individuelles. Voilà pourquoi mon intervention s'intéressera beaucoup à l'approche des données et à la capacité à les protéger.

Le ministère de l'Éducation nationale est aujourd'hui amené à collecter les données de 12 millions d'élèves et d'1,2 million d'agents. Le RGPD nous fournit heureusement les outils nécessaires pour répondre aux enjeux de la protection de ces données. Le ministre de l'Éducation, lors de l'université d'été du numérique pour l'éducation en 2018, a insisté, dans son discours, sur l'enjeu de la protection et de la valorisation des données. Je reviendrai sur notre capacité à les ouvrir et les mettre à disposition. Notre action s'inscrit en tout cas dans cette optique, selon laquelle le ministère élabore, depuis trois ans, sa stratégie numérique.

M. Édouard Geffray a indiqué les outils mobilisés pour la continuité pédagogique. N'oublions pas les ENT, qui constituent une spécificité. Des difficultés ont surgi la semaine du 6 avril, liées à l'usage désormais quotidien de ces outils par l'ensemble de la communauté éducative. La quantité de connexions en ce début de mois nous a surpris. Nous escomptions une augmentation de 20 % par rapport à l'année dernière, or c'est à une véritable explosion à laquelle nous avons assisté, la première semaine d'avril. La souveraineté s'inscrit aussi dans la capacité à construire des outils. La mise en place des ENT découle d'une politique datant de 2004. Leur usage s'est progressivement imposé. Le ministère en partage la responsabilité avec les collectivités territoriales. Ont pris part à leur élaboration des acteurs souverains des nouvelles technologies, sans lesquels nous n'aurions pu intégrer ce type d'outils dans le paysage éducatif français. En somme, la souveraineté se construit à travers une complémentarité d'outils. Je tenais à le souligner.

Concernant les enjeux de la souveraineté en termes d'enseignements, je rappellerai d'abord que Pix, la plateforme de certification européenne à laquelle contribue le ministère, repose sur un référentiel de compétences numériques européen. L'UNESCO l'a sélectionnée pour répondre à des enjeux de certification des compétences au-delà de nos frontières. La construction de notre souveraineté passe par un outil comme celui-là également.

Je rappellerai en outre que l'enseignement en Sciences numériques et technologie (SNT), en seconde générale, procure une vision exhaustive des enjeux du numérique dans la vie quotidienne. Une certification en fin de troisième évalue les compétences numériques des élèves. Des cours de SNT leur sont ensuite proposés, puis de NSI, avant un nouveau test en fin de terminale. Leurs compétences numériques s'inscrivent ainsi dans la continuité de leur parcours, universitaire ou professionnel. L'action du ministère en matière de numérique trouve sa place dans une dynamique d'ensemble. Les classes de SNT abordent bien sûr les enjeux liés aux données et à la cybersécurité.

Pour répondre aux enjeux de protection et d'anonymisation des données, le ministère travaille étroitement avec l'ensemble de l'écosystème numérique éducatif. Nous terminons en ce moment de rédiger, en accompagnement des acteurs de la filière, un code de conduite, outil du RGPD permettant à un secteur d'activité de définir des règles spécifiques. Nous espérons qu'il entrera en vigueur à la rentrée de septembre. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) doit au préalable lui donner son aval, puis le proposer à ses homologues européens, puisqu'il pourrait intéresser aussi les secteurs éducatifs d'autres pays européens. À la différence des données de santé, celles de l'éducation ne sont pas considérées comme sensibles.

Depuis plusieurs années, le ministère a mis en place un autre outil : le GAR (Gestionnaire d'accès aux ressources), qui constitue un véritable tunnel d'usage autour de la ressource au sein des ENT. Concrètement, les élèves peuvent accéder, via ces ENT, à un centre géant comportant plus de 12 000 ressources, dès lors que leur établissement s'y est abonné. Nous garantissons, à travers ce tunnel, l'anonymisation des données de manière à renforcer la confiance, dans une visée de souveraineté.

Nous déployons par ailleurs un autre dispositif d'authentification propre à l'Éducation nationale, inspiré de FranceConnect, toujours par souci de garantir la sécurité des usagers. Baptisé EduConnect, il permettra à chaque parent de donner à ses enfants accès à des ressources, dans le respect, entre autres, du code de conduite et des principes du RGPD. Là encore, ce dispositif s'intègre pleinement dans notre stratégie de souveraineté.

Le ministère avait par ailleurs préconisé, au-delà des lois et réglementations existantes, la mise en place d'un comité d'éthique de la donnée d'éducation. Ce comité a remis un rapport sur la continuité pédagogique lors du premier confinement, s'attachant aux enjeux de souveraineté, dont l'éthique constitue un pilier dans le domaine du numérique éducatif.

J'insisterai sur une dernière dimension de la souveraineté. Un acteur majeur avait développé un outil de vie scolaire pour le second degré : INDEX-ÉDUCATION. Un rapport de l'inspection générale en 2018 sur les données numériques à caractère personnel au sein de l'Éducation nationale a identifié un risque que des acteurs étrangers s'emparent de ces données à travers cet outil. Docaposte et La Poste ont récemment racheté l'acteur concerné afin de garantir la souveraineté sur les données qu'il traitait.

À l'aube de révolutions numériques majeures, en lien avec l'Intelligence artificielle, nous avons de surcroît développé des partenariats de l'innovation avec des acteurs industriels et des laboratoires de recherche, de manière à garantir notre capacité à peser sur les enjeux de l'Intelligence artificielle liés à l'éducation.

Enfin, GAIA-X, en tant que cloud souverain européen, devrait donner lieu à une réflexion sur la mise à disposition de l'ensemble des données. Preuve de notre attitude proactive, nous sommes le seul ministère européen de l'Éducation à siéger à son conseil d'administration en vue de développer l'ensemble des cas d'usage autour de la donnée d'éducation.

J'aurai sans doute l'occasion de revenir sur la plateforme Education Data-hub. Elle doit mettre les données d'éducation à disposition de l'ensemble des acteurs, tout en fournissant l'occasion d'une réflexion sur cette même mise à disposition.

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