Intervention de Françoise Mercadal-Delassales

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Françoise Mercadal-Delassales, directrice générale du Crédit du Nord et co-présidente du CNNUM :

La fracture numérique n'est pas seulement territoriale, d'autant que les pouvoirs publics, centraux ou locaux, déploient des dispositifs afin d'atteindre les populations les plus isolées.

À mon sens, la fracture numérique est essentiellement sociale. Le fait que les outils en soient massivement utilisés, et par toutes les tranches d'âge, amène à reproduire, tant le négatif que le positif de nos vies hors du numérique. L'outil numérique ne fait alors qu'accentuer les tendances préexistantes. Au sein du CNNUM, nous comptons Mme Dominique Pasquier, sociologue, dont les travaux démontrent que l'usage de l'outil digital diffère d'une classe sociale à l'autre. Quand les enfants des cadres l'utiliseront afin d'apprendre et se renforcer, les enfants de classes plus défavorisées en useront d'une manière non enrichissante, voire appauvrissante et amenant à désapprendre. Les pouvoirs publics se doivent d'être extrêmement vigilants à cet égard.

Dès l'école primaire, l'enfant doit commencer à comprendre la portée de l'utilisation de l'outil digital, et cet apprentissage importe autant que le fait de lire, écrire ou compter. Dans le cas contraire, la société ne s'en fragmentera que davantage, exposée en permanence aux bulles des réseaux, qui nous diviseront. Cet apprentissage correspond au travail sur la vérité qu'ambitionne de mener le CNNUM.

Dans la mesure où les outils numériques existent et que nous devons composer avec eux, le CNNUM souhaite suggérer des pistes afin de lutter contre leurs effets négatifs. Par exemple, il s'agirait de déterminer comment utiliser l'IA pour nous protéger des bulles informationnelles et des fake news. À ce sujet, le CNRS compte en son sein l'institut des systèmes complexes, qui a mis en place un politoscope visant, par exemple en période d'élections, à apurer l'information des manipulations malveillantes. En d'autres termes, il faut utiliser la technologie pour protéger notre capacité de choix, c'est-à-dire notre souveraineté.

Cette transition numérique équivaut à l'invention des premiers outils ou à la découverte de l'atome. Pour ma part, j'ai été pionnière et chantre du digital au moment où nos entreprises se devaient d'effectuer cette évolution. Pour autant, l'année écoulée de crise sanitaire nous a montré que seuls, face à nos ordinateurs, nous avions besoin de contact social, d'échanger et d'être ensemble. De ce point de vue, l'école doit jouer un rôle fondamental.

Le CNNUM désire contribuer à ce débat et fournir des éléments et ressources afin d'affiner la pensée au sujet du numérique. D'ailleurs, au-delà de nos productions écrites, nous avons commencé d'interviewer des chercheurs et penseurs sur notre plateforme en vue d'amener à réfléchir et pourquoi pas, s'il le faut, susciter des controverses constructives.

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