Pour le moment, GAIA-X a donné naissance à un partenariat entre OVHcloud et Deutsche Post. D'autres partenariats devront suivre. Rappelons que GAIA-X n'est pas un projet de cloud européen mais de moteur de recherche, censé fournir les références d'entreprises européennes répondant à un cahier des charges relatif à certains droits, aujourd'hui impossibles à appliquer, dans la pratique, par un opérateur européen de cloud. Ces droits concernent entre autres la portabilité ou la possibilité de transférer des données.
Aujourd'hui, le seul secteur où la portabilité des données s'est imposée reste celui des opérateurs téléphoniques, alors même que ceux-ci prétendaient une telle exigence impossible à mettre en œuvre. Un usager d'Orange peut ainsi migrer vers Bouygues tout en conservant son numéro de téléphone et ses données.
À ce jour, GAIA-X se résume à un cahier des charges, voire à une liste d'opérateurs. Le plus étonnant reste que, malgré l'arrivée récente de certains géants américains du numérique et d'opérateurs chinois dans l'initiative GAIA-X, ceux-ci ne bénéficieront pas du label GAIA-X, ce que je peine à comprendre.
J'ai bien saisi, en revanche, que deux campagnes se déroulent en ce moment au sujet du DMA. La rapporteure du Parlement européen, Mme Stéphanie Yon-Courtin, estime qu'il ne faut pas infléchir le DMA pour cibler les géants américains du numérique, alors qu'en réalité, si. Comment permettre à des plateformes européennes de monter en puissance, sinon en les protégeant de la concurrence des puissants acteurs américains ? Il ne sert à rien d'imposer un Règlement européen tant que les portes de l'Europe restent ouvertes à la concurrence étrangère.
J'y vois là une tare européenne. Il n'y a qu'en Europe qu'une société est considérée comme européenne, bénéficiant ainsi d'aides européennes, pour la simple raison qu'elle a établi une filiale sur le territoire de l'Union européenne. Les acteurs américains du numérique participent aux marchés publics européens. Pour qu'une entreprise européenne participe à un marché public au Canada, alors même que les opérateurs canadiens tels que Bombardier répondent déjà aux appels publics d'offres en Europe, il faudra attendre l'entrée en vigueur d'un accord commercial bilatéral de libre-échange (le Comprehensive Economic and Trade Agreement ou CETA ).
La position défendue par cette rapporteure m'agace au plus haut point. Nous ne pouvons pas continuer comme cela. À quoi songe-t-elle ? Un problème de lutte se pose. L'un des points majeurs du DMA porte sur la possibilité de laisser à des plateformes européennes le temps de monter en puissance. Ensuite seulement, les règles de concurrence pourront changer, sans quoi aucune plateforme européenne n'émergera jamais. La fable de La Fontaine sur le lièvre et la tortue ne s'applique pas dans le monde économique.
Les autorités de concurrence nationales devraient en outre jouer leur rôle. Se sont-elles montrées capables d'une confrontation avec les géants américains du numérique ? Non. Il faut une force aussi importante que la Commission européenne pour intervenir sur le champ de bataille, où doivent être mobilisés bien plus que de petits régiments.
Le texte du DGA est d'une extrême importance, bien qu'il en soit peu question. Là encore, on note un manque de réflexion nationale et européenne sur ce que recouvre la notion de données ouvertes. Aujourd'hui, si vous me pardonnez la familiarité de cette expression, l' open data, c'est l' open bar. Les données ouvertes sont produites par les administrations, qui ne disposent ni de la réglementation ni des spécialistes seuls à même d'éviter que des tiers étrangers s'approprient leurs données économiquement utiles. Il aurait fallu, une fois de plus, anticiper l'usage de ces données ouvertes, source de richesse et de production de valeur. Qui en tire profit aujourd'hui ? Le secteur souffre d'une mauvaise structuration.