Intervention de Olivier Vallet

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Olivier Vallet, président-directeur général de Docaposte, membre du comité de direction de la branche numérique du groupe La Poste :

Le groupe La Poste a subi une transformation considérable. Le courrier ne représente plus aujourd'hui que 20 % de son chiffre d'affaires. Un premier cycle stratégique La Poste 2020 vient de se terminer. Notre président, M. Philippe Wahl, vient d'annoncer un nouveau plan stratégique : « La Poste 2030, engagée pour vous ».

Ce plan 2030 repose sur deux moteurs de croissance essentiels : l'e-commerce et la logistique, d'une part, et d'autre part, le pôle banque et assurance. CNP vient de rejoindre la Banque postale. M. Philippe Wahl a manifesté sa volonté d'accélérer nos investissements afin que nous puissions nous appuyer sur deux nouveaux moteurs de croissance. Le premier – les services de proximité à domicile – reposera sur le maillage du territoire par les postiers. Le second, qui nous occupe aujourd'hui, correspond aux services de confiance numériques, domaine dans lequel La Poste souhaite s'imposer comme une référence.

Depuis plusieurs années, le groupe La Poste, à travers sa filiale Docaposte, qu'il détient sans partage, a investi dans les services numériques de confiance, en vue de les développer. Ces services correspondent à trois étapes ayant leur pendant dans le monde physique : d'abord, l'identification ou authentification, ensuite l'échange d'informations, ou encore les transactions et, enfin, leur archivage, c'est-à-dire le stockage des données correspondantes. Le groupe La Poste a investi dans une gamme de solutions qui lui permet désormais de couvrir l'ensemble de ces trois étapes.

Nous reviendrons sur la première, à savoir l'identité numérique, puisque, grâce aux investissements de notre groupe, nous sommes les premiers en France à disposer d'une identité numérique dite de niveau substantiel. Je préciserai ultérieurement le modèle économique selon lequel nous envisageons de la déployer afin qu'y adhèrent le maximum de Français. En matière de numérique, il faut qu'un grand nombre de personnes utilisent une solution pour qu'elle s'impose mais, avant d'en arriver là, il faut à cette solution des usages pratiques, ce qui découle en général de son utilisation par un grand nombre de personnes. En somme, il faut travailler sur les deux aspects du problème en même temps.

Concernant la deuxième étape, celle des transactions, notre groupe propose l'ensemble des services visés par le Règlement européen Electronic identification authentication and trust services (eIDAS), qu'il applique d'ailleurs à la lettre.

Enfin, pour ce qui est de la troisième étape, d'archivage, nous avons investi dans un coffre-fort numérique Digiposte, atout de notre groupe, puisqu'il compte à ce jour plus de six millions de clients.

Nous sommes conscients que la confiance constitue un préalable à la souveraineté. L'une ne va pas sans l'autre et notre groupe doit s'appuyer sur les deux. Si l'État se porte garant de la dimension souveraine de nos services, La Poste bénéficie quant à elle d'un capital de confiance auprès des entreprises, des citoyens et des administrations. Plus personne ne soupçonnerait un facteur d'ouvrir le courrier pour en prendre connaissance. Nous tentons de transposer cette confiance qui nous honore, du monde physique dans le monde numérique, de manière inclusive, sur tout le territoire, en proposant à nos clients des solutions d'une grande simplicité d'utilisation pour leur simplifier la vie. Notre qualité de service irréprochable doit correspondre au niveau d'exigence souvent élevé des usagers du numérique.

Nous avons conscience des doutes, ou de la résistance au numérique, je ne sais quel terme employer, d'une partie de la population qui manque de confiance dans les nouvelles technologies. Le groupe La Poste doit pouvoir y remédier en s'appuyant sur son ADN et sa capacité à atteindre tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence, afin d'accompagner physiquement nos concitoyens les plus éloignés du numérique. J'ai la conviction que le numérique servira de trait d'union entre les Français et leur administration et que nous bénéficierons tous, grâce au numérique, de services d'une facilité d'utilisation croissante.

Docaposte, en tant que filiale de La Poste, aide notre groupe à se numériser pour proposer à ses clients une offre à la fois physique et numérique. Tournée vers l'extérieur, Docaposte investit considérablement dans nombre de technologies. Nous disposons de nos propres centres de données et d'informaticiens « maison ». Notre force de frappe nous permet de fournir des solutions à la pointe. Docaposte compte parmi sa clientèle les plus grandes entreprises françaises, ce qui démontre la compétence et le savoir-faire du groupe La Poste.

Je terminerai sur une note positive. Nous nous félicitons de toutes les initiatives mises en œuvre par l'État, telles que le plan cyber annoncé récemment, ou la nouvelle directive sur le cloud (ou informatique en nuage), qui va selon nous dans le bon sens. Bien entendu, nous y souscrivons. Nous venons de déposer un dossier en vue d'obtenir le label SecNumCloud.

Je nourris malgré tout une petite frustration. Les solutions du groupe La Poste ont toutes été développées à l'échelle de la nation, au prix, d'ailleurs, d'investissements conséquents, or nous nous heurtons à la difficulté de les déployer à la vitesse qu'il faudrait. Nos concitoyens devraient à mon sens disposer de ce que j'appelle un trousseau numérique, pour mener leur vie numérique en toute confiance. Ce trousseau inclurait une identité numérique, un coffre-fort numérique et une messagerie électronique.

Docaposte, détenue par La Poste, un groupe à l'actionnariat public, est à même de servir de bras armé à la transformation numérique de l'État au service des citoyens en vue de leur faciliter la vie au quotidien. Néanmoins, la complexité du déploiement de nos solutions, qui requiert en outre beaucoup de temps, génère en nous une légère frustration, d'autant que La Poste, en tant que marque de confiance, apparaît tout à fait en mesure, au côté de l'État, de dissiper les doutes et les inquiétudes qui subsistent encore chez certains de nos concitoyens vis-à-vis du numérique.

Le lancement de l'application TousAntiCovid l'a montré : le caractère souverain d'une solution numérique n'est pas un critère suffisant de succès. Peut-être TousAntiCovid n'a-t-elle pas assez inspiré confiance. La Poste pourrait apporter son capital de confiance dans la mise en œuvre d'autres solutions numériques, rassurant ainsi l'ensemble de nos concitoyens sur la possibilité de gérer leur vie numérique sans inquiétude.

Souveraineté et confiance vont de pair. Toutes les initiatives prises en ce moment, et notamment la récente directive sur le cloud, vont dans le bon sens pour créer des champions français et européens souverains du cloud, grâce auxquels nous pourrons utiliser, en toute sécurité, des technologies avancées. Nous nous en félicitons.

Il reste tout de même à s'assurer que des effectifs en nombre suffisant mettront en œuvre ces directives de manière à délivrer les labels indispensables. Nous entretenons des relations nourries avec l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui fournit un travail extraordinaire au quotidien. Le nombre de dossiers qu'elle doit traiter risque tout de même de conduire à un goulot d'étranglement. Les certifications et labels reconnus par l'État devraient pouvoir s'obtenir le plus rapidement possible. La Poste répond en tout cas présente à toutes les initiatives que j'évoquais, aussi bien dans le domaine cyber que dans celui du cloud.

Docaposte compte parmi les membres fondateurs de GAIA-X et appartient à son conseil de direction. Nous avons beaucoup participé aux réflexions sur l'interopérabilité des solutions à proposer via GAIA-X ainsi qu'aux travaux sur le cloud et ses usages dans la finance ou la logistique. Nous sommes fortement engagés dans cette initiative qui présente, selon nous, un intérêt certain pour l'Europe.

La stratégie de transformation de La Poste s'articule en deux volets.

Tout d'abord, La Poste elle-même doit se numériser et se transformer conformément aux deux objectifs que j'ai mentionnés : offrir aux clients des parcours simples et fluides et améliorer la qualité de nos services au quotidien. Pour y parvenir, La Poste a décidé de créer, début 2021, une nouvelle branche Grand public et numérique. Nous avons fusionné notre réseau physique avec les technologies numériques pour offrir à notre clientèle des parcours fluides, à la fois physiques et numériques. Un client se rendant dans un bureau de poste peut dorénavant y entamer des démarches numériques, passant d'un canal de communication à l'autre sans heurt tout au long de son parcours.

Ensuite, La Poste doit se tourner vers l'extérieur en se positionnant, principalement à travers sa filiale Docaposte, comme un acteur de référence des services de confiance numériques. Nous disposons d'une gamme complète de solutions, allant de l'identité numérique au vote électronique, secteur où nous occupons une position prééminente en France. Nos nombreux investissements et acquisitions, dont celle de Pronote, un logiciel beaucoup utilisé par l'Éducation nationale, nous permettent d'offrir des solutions en toute sécurité aux entreprises et aux administrations comme aux particuliers. La volonté de Docaposte de devenir un moteur de croissance du groupe nous amène à poursuivre nos investissements pour soutenir notre croissance externe, de même que nos acquisitions. Nous comptons renforcer la dimension numérique de La Poste pour que le groupe propose à ses clients des solutions numériques de bout en bout.

À propos des données, nous avons racheté ProbaYes et Softeam, société de services numérique forte de son savoir-faire en matière de données et, plus récemment, la société Openvalue. Nous disposons ainsi de l'un des plus grands pôles de data scientists (ou experts en analyse de données) de France, au nombre de 250 à 300 dans notre entreprise. Nous ambitionnons d'accélérer, grâce à eux, la transformation interne du groupe La Poste pour offrir à nos clients des services innovants basés sur l'analyse des données. Docaposte envisage également de prolonger son offre de services auprès de sa propre clientèle, qui compte quatre entreprises sur cinq du CAC40, ainsi que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de petites et moyennes entreprises (PME).

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