Intervention de Stéfane Fermigier

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 11h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Stéfane Fermigier, co-président du conseil national du logiciel libre (CNLL) :

La constitution du CNLL résulte en effet de la volonté de représenter et de défendre la filière du logiciel libre, présente en France depuis 1998, voire 1996. Nous menons régulièrement des études et nous efforçons, autant que possible, d'intervenir dans le débat public, aussi bien face aux parlementaires que vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Je m'exprimerai ici à la fois en tant que spécialiste du logiciel libre et que créateur de sociétés. J'investis aussi, depuis plus de vingt ans, dans des entreprises de la filière. Par souci de clarté, je précise que j'utilise indifféremment les termes open source et « logiciel libre ». Le cadre de notre échange ne me semble pas justifier d'entrer à ce propos dans des querelles sémantiques.

La dernière étude commandée par le CNLL a justement été publiée ce matin. Assez complète, elle se focalise sur la filière du logiciel libre, ses attentes et son positionnement par rapport, entre autres à la souveraineté numérique. D'autres de nos études portent sur la taille des marchés français et européen, ainsi que leur évolution depuis une vingtaine d'années. Nous disposons ainsi de toutes les informations que vous pourriez souhaiter sur notre filière.

Notre confédération réunit 300 sociétés. En y ajoutant celles qui ne sont pas affiliées à des grappes d'entreprises, nous dénombrons en France 500 petites et moyennes entreprises (PME) spécialisées dans le logiciel libre. Elles emploient 50 000 à 60 000 personnes. Des études que nous avons commandées estiment le marché français à 5 milliards d'euros. Plus la filière prend de l'ampleur, plus sa croissance ralentit. Malgré tout, elle connaît globalement une croissance annuelle de 8 % à 10 %. Les logiciels libres sont souvent associés à des modèles de services. Cependant, le modèle d'éditeur progresse. Actuellement, le cloud joue le rôle d'un rouleau compresseur dans l'informatique, or le logiciel libre y est également présent. Les acteurs du logiciel libre proposent en effet des offres cloud.

La position prééminente de la France en matière d' open source est reconnue depuis plus de dix ans, encore que notre pays se situe à peu près à égalité avec l'Allemagne au niveau européen, ce dont il y a tout lieu de se féliciter. Nous avons fondé, avec une association équivalente à la nôtre en Allemagne, une sorte de consortium européen.

Comment la France en est-elle venue à occuper ce rang favorable à notre filière, bien que certaines de nos attentes demeurent insatisfaites au regard de la politique actuellement menée dans ce secteur ? Les pouvoirs publics ont commencé à s'intéresser au logiciel libre voici un peu plus de vingt ans. Plusieurs missions et agences gouvernementales se sont emparées du sujet, dès le début de l'administration électronique, soit en 1998. Citons la mission de soutien technique pour le développement des technologies de l'information et de la communication au sein de l'administration (MTIC), l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE), auparavant connue sous le nom d'agence pour les technologies de l'information et de la communication dans l'administration (ATICA) et devenue depuis une dizaine d'années Etalab.

Je tiens à saluer le travail des parlementaires en matière de logiciel libre. De nombreux élus à la représentation nationale l'ont soutenu en interpellant l'exécutif à ce propos. Certains ont même déposé des propositions de loi, comme le sénateur Pierre Laffitte à la fin des années 1990, en vue d'accorder la priorité absolue aux logiciels libres via l'obligation pour l'administration de ne plus recourir qu'à des solutions open source à l'issue d'une période transitoire de deux ans. Bien que cette proposition prête à sourire lorsqu'on la relit aujourd'hui, et même si son application restait à préciser, ses motivations n'ont rien perdu de leur pertinence, au vu du débat actuel sur la souveraineté numérique.

Signalons aussi les interventions de l'exécutif, telle la circulaire de 2012 du Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, qui a donné un coup d'accélération à la filière du logiciel libre. Sorte de guide de bonnes pratiques, elle préconisait de recourir aux logiciels libres en raison de leur moindre coût et de leur plus grande souplesse d'utilisation, ou à défaut, de s'en servir comme d'un levier de négociation avec les éditeurs de logiciels propriétaires. La loi Le Maire votée en 2016 (loi pour une République numérique du 7 octobre 2016) demandait aux administrations d'encourager l'utilisation des logiciels libres pour préserver leur indépendance. Selon moi, cette dernière notion s'apparente assez au concept de souveraineté, qui ne s'est imposé que progressivement. Mentionnons enfin la circulaire du Premier ministre, M. Jean Castex, bien que la date récente de sa publication ne permette pas encore d'en évaluer les effets.

Le logiciel libre présente un avantage économique indéniable. Des centaines de chercheurs parmi les plus prestigieux l'ont mis en évidence dans leurs travaux. Le prix Nobel d'économie, M. Jean Tirole, s'est lui-même penché sur les communs numériques. Une étude de la Commission européenne restant à publier indique que les investissements dans le logiciel libre sont d'un excellent rapport pour la société considérée dans son ensemble. Chaque euro investi dans la filière du logiciel libre engendre un retour sur investissement au moins quatre fois supérieur.

Je ne me considère pas comme un spécialiste de la souveraineté numérique, dont je n'ai d'ailleurs pas conçu de définition personnelle. Je reprendrai donc à mon compte celle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) publiée dans la Revue stratégique de cyberdéfense de 2018. Le SGDSN assimile la souveraineté numérique à l'autonomie stratégique, notion applicable aussi bien à l'échelle d'un État ou de l'Union européenne que d'une grande entreprise ou même de l'ensemble de la société. Le SGDSN précise bien qu'il ne s'agit pas de « chercher à tout faire en interne », c'est-à-dire qu'il ne faut pas verser dans la caricature en visant une autonomie totale. De même, nous ne préconisons pas le recours exclusif à du logiciel libre, d'autant qu'il favorise les collaborations, y compris internationales. Le SGDSN ajoute qu'une telle autonomie ne peut s'acquérir et se conserver qu'à condition de disposer d'une filière performante européenne. Le développement économique contribue donc en grande part à la préservation de la souveraineté. Ni la loi ni des contrats n'y suffisent.

Le SGDSN estime qu' « une stratégie industrielle basée sur l' open source , sous réserve qu'elle s'inscrive dans une démarche commerciale réfléchie », c'est-à-dire sans recourir au logiciel libre uniquement par principe, « peut permettre aux industriels français ou européens de gagner des parts de marché et par là même de permettre à la France et à l'Union européenne de reconquérir de la souveraineté ». Nous adhérons entièrement à ces propos.

Nous pourrions citer, dans le même ordre d'idées, la publication de la Commission européenne sur le logiciel libre d'octobre 2020. Elle établit le lien entre souveraineté numérique et logiciel libre. « Le modèle du code source ouvert a une incidence sur l'autonomie numérique de l'Europe. Il donnera probablement à l'Europe une chance de créer et de maintenir sa propre approche numérique indépendante par rapport aux géants du numérique dans le cloud et lui permettra de garder le contrôle de ses processus, de ses informations et de sa technologie. »

Il en ressort clairement que le logiciel libre présente de nombreux avantages en matière de souveraineté numérique. Reprenons, pour plus de simplicité, les arguments de la Commission européenne. Le logiciel libre garantit l'indépendance ou, du moins, réduit la dépendance des utilisateurs vis-à-vis de certaines entreprises ou pays. Sa flexibilité en fait un atout pour l'innovation en facilitant la création de nouveaux produits ou usages. Le logiciel libre est omniprésent dans le cloud. Par sa transparence, il favorise la confiance des citoyens. Nous préconisons de créer des services décentralisés et fédérés, basés sur la coopération et l'interopérabilité, en opposition à la centralisation vers laquelle tend le recours à un nombre réduit de grands fournisseurs de solutions propriétaires.

La Commission européenne a mis en place un open source program office (OSPO) stratégique, devenu en France la Mission logiciels libres, créée par la circulaire du Premier ministre, M. Jean Castex. Elle doit servir de fer de lance de la stratégie européenne. Si nous n'allons pas jusqu'à émettre des réserves à son égard, nous souhaiterions tout de même un plan d'action plus ambitieux.

La filière du logiciel libre en France se sent, quoi qu'il en soit, concernée par les enjeux que nous abordons aujourd'hui. L'enquête que nous avons réalisée auprès de 150 entreprises montre que 90 % au moins de leurs dirigeants estiment le sujet de la souveraineté crucial et voient dans le logiciel libre un atout pour l'atteindre. Toute la filière tient à participer à cet effort de reconquête de la souveraineté numérique en Europe.

Nombre d'inventions dans le domaine de l'informatique et en particulier du logiciel libre ont vu le jour en Europe. Le world wide web, la technologie peut-être la plus présente dans le monde actuel, a été créé en Suisse. Linux, le système d'exploitation devenu l'emblème du logiciel libre, a été mis au point en Finlande. L'architecture ARM est née au Royaume-Uni, à l'époque où ce pays appartenait encore à l'Union européenne. C'est également à une société britannique que l'on doit le platform as a service, l'une des trois formes du cloud. L'Europe dispose donc d'atouts. Peut-être n'avons-nous pas su les exploiter autant qu'il l'aurait fallu. Peut-être aussi devrions-nous revenir aux fondamentaux afin de tirer le meilleur parti possible de notre créativité en matière numérique.

L'Allemagne a créé un centre pour la souveraineté numérique de l'administration, le 26 avril 2021. Signalons que sa mission première consiste à promouvoir les logiciels libres. Un lien très fort s'est instauré au sein de cette institution allemande entre le logiciel libre et la souveraineté. Trois Länder suivent en outre des politiques d'achat public favorisant le logiciel libre. Peut-être conviendrait-il de s'inspirer de cette prise de position tout à fait remarquable. La loi française accuse un retard de ce point de vue.

La filière du logiciel libre s'intéresse bien évidemment au cloud depuis qu'il en est question, c'est-à-dire depuis près de dix ans. Compte tenu de nos valeurs et de notre attachement à la collaboration et à l'interopérabilité, nous avons conscience des risques que comporte un verrouillage excessif du cloud par certains prestataires de services. A contrario, nous avons, dès 2010, essayé de mettre en avant la notion de cloud ouvert, fondée sur la possibilité de passer facilement d'un opérateur à un autre, en imposant aux fournisseurs des normes d'interopérabilité.

Au début, nous avons eu le sentiment que nous n'étions pas écoutés, puis nos préoccupations sont revenues au cœur du débat, notamment par le biais de l'initiative GAIA-X, allemande à l'origine, puis franco-allemande et maintenant européenne. Chacun y projette toutefois sa propre vision du cloud, de sorte que nous ne comprenons pas très bien laquelle prédomine en fin de compte.

Au départ, les Allemands voulaient créer un Airbus du cloud. Airbus marque certes une réussite industrielle européenne majeure, mais faut-il transposer la même formule dans le domaine du cloud ? Nous n'estimons pas judicieux de centraliser à l'excès la fourniture de services autour du cloud. Le Club informatique des grandes entreprises françaises ( Cigref), porteur du projet en France, nous a paru plutôt attaché à des notions de gouvernance, via l'imposition de règles et de certifications.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne reconquerrons pas notre souveraineté à moyen ou long terme uniquement en instaurant des règles. Le Règlement général pour la protection des données (RGPD) constitue certes un outil extrêmement important, d'un point de vue démocratique, mais aussi face à certaines entreprises dont le modèle d'affaires repose sur la commercialisation de données. Ni ce RGPD ni ses variantes ne suffiront toutefois à garantir notre souveraineté numérique.

La nécessité s'impose d'une vision industrielle qui ne se concentre pas uniquement sur de gros acteurs comme Orange ou Atos, surtout s'ils s'appuient sur des technologies qu'ils ne maîtrisent pas. D'après une récente annonce, ces acteurs s'allieront aux fournisseurs de cloud américains comme Google et Microsoft. Selon nous, une telle stratégie se limite à reculer pour mieux sauter. Elle ne nous assurera jamais la souveraineté à laquelle nous aspirons.

Nous attendons des autorités qu'elles fassent appliquer la loi, en particulier la loi pour une République numérique de 2016 et son article 16, selon lequel il faut « préserver la maîtrise, la pérennité et l'indépendance [des] systèmes d'information » en encourageant les administrations à utiliser le logiciel libre. De simples encouragements ne suffisent pas. Encore faut-il donner des directives, sinon chacun continue de procéder comme il l'entend.

Le recours au logiciel libre passera aussi par l'instauration d'une culture qui lui soit favorable, au travers de formations et d'un travail d'animation de réseaux au sein de l'administration. Chaque ministère nourrit ses propres besoins et donc abordera ce sujet à sa manière singulière. La question se pose aussi à l'échelon européen et à celui des collectivités territoriales.

Nous nous réjouissons de l'annonce, par le Premier ministre, voici quelques semaines, de la création d'une Mission logiciels libres. Nous la réclamions depuis la promulgation en 2016 de la loi Le Maire, dont nous n'avons pas constaté l'effet concret. Telle qu'elle se préfigure, la Mission logiciels libres, à laquelle n'œuvreront que trois personnes, ne suffira cependant pas à animer toute l'administration française. Les chantiers sur lesquels il faut intervenir, ne serait-ce qu'au sein même des services publics, s'annoncent immenses.

Nous estimons en outre indispensable une politique industrielle de développement économique. Une mission logiciels libres uniquement rattachée à la ministre de la transformation et de la fonction publique, Mme Amélie de Montchalin, ne sera pas en mesure d'agir sur le versant industriel de la filière. Il faut, à mon sens, que le ministère de l'économie et la direction générale des entreprises (DGE) s'emparent de la question. Les ministères de l'éducation, et de l'enseignement supérieur et de la recherche sont eux aussi concernés par l'innovation et la formation en lien avec le logiciel libre.

Nous appelons de nos vœux l'extension rapide du périmètre de la Mission logiciels libres, par exemple par la mise en place d'actions similaires dans les autres ministères concernés, et par l'implication de la DGE. La dépense publique doit elle aussi jouer son rôle.

En 2014, Mme Isabelle Attard, alors députée, avait interrogé les principaux ministères sur leur niveau de déploiement du logiciel libre au sein de leur administration. Les réponses des quelques ministres qui se sont exprimés à ce sujet n'apportaient que des éléments qualitatifs, mentionnant tel ou tel logiciel. Il manque une étude poussée impliquant, par exemple, l'inspection générale des finances, afin d'établir la part du logiciel libre dans les dépenses informatiques de chaque ministère. Cette part demeure pour l'heure marginale. En Allemagne, pourtant, une analyse de marché stratégique a été réalisée en 2009, afin de réduire la dépendance des services publics du pays vis-à-vis des fournisseurs de logiciels propriétaires.

Notre étude a mis en lumière le rôle déterminant de la commande publique en tant que levier de croissance de notre filière. À l'évidence, l'État est le mieux placé pour aider une filière mettant au point des produits et des services qui correspondent à ses besoins, à savoir des outils utiles à sa transformation numérique.

Mme Amélie de Montchalin nous a récemment adressé un courrier. Je la cite : « en accompagnant les administrations pour qu'elles utilisent l' open source au mieux, je souhaite que la Mission logiciels libres soutienne les acteurs économiques français et européens de cet écosystème, notamment via une meilleure prise en compte dans la commande publique du critère de transparence des codes sources. » Il s'agit là d'un élément relativement nouveau. Cette Mission logiciels libres ne s'inscrirait donc pas simplement dans une démarche de partage des codes sources ou de diffusion des bonnes pratiques. Prenant en compte la nécessité d'un soutien aux entreprises du logiciel libre, elle supposerait une attitude proactive vis-à-vis des acteurs de notre filière pour qu'ils participent efficacement aux marchés publics.

Une question récurrente se pose à propos des marchés publics : comment contractualiser ? Les marchés de support passés ces dernières années suffiront-ils à pérenniser des PME ou des très petites entreprises (TPE), éditrices de logiciels libres, ou participant activement à la création de logiciels libres ? En général, les marchés de support sont passés avec des intégrateurs, à la taille proportionnelle à celle du marché concerné. Nous estimons impératif qu'une partie de la valeur générée par ces marchés de support revienne directement aux spécialistes, c'est-à-dire à ceux qui produisent et maintiennent les logiciels et apparaissent comme les mieux à même de répondre aux questions, et de résoudre les éventuels problèmes, des administrations qui les utilisent.

Le rapport présenté par M. Éric Bothorel relevait les difficultés posées par le code des marchés publics, compte tenu des spécificités du logiciel libre. Je ne dresserai pas aujourd'hui la liste de tous les problèmes de la filière. Il me paraît toutefois important que les PME, les TPE et les intégrateurs concernés se réunissent pour en discuter avec les directions des achats des différents ministères, de manière à obtenir un panorama complet des problèmes juridiques liés, soit au code des marchés publics, soit à son application actuelle. Il conviendra dès lors de mettre en place des solutions passant par la révision de ce code ou son contournement.

La question subsiste des moyens par lesquels inciter l'administration à privilégier les logiciels libres, de manière à garantir le développement de la filière. Les débats sur ce point durent depuis vingt ans. La proposition de loi du sénateur Pierre Laffitte, que j'évoquais tout à l'heure, en atteste. Une directive du ministère de la défense a, dès 2006, formalisé la notion de préférence. « On doit s'efforcer, avant toute acquisition, ou tout développement, d'identifier les solutions alternatives en logiciels libres disponibles, de fonctionnalité équivalente ou voisine. À coût global et risque et efficacité opérationnelle comparables, le logiciel libre est privilégié. » L'idée que, toutes choses étant égales par ailleurs, il vaut mieux opter pour du logiciel libre constitue à nos yeux une première étape, qui devrait pouvoir se généraliser, peut-être pas sous forme de loi mais au moins de directive. Si une telle mesure ne donnait pas les résultats escomptés, nous pourrions bien sûr recourir à des moyens plus contraignants.

M. Benoît Thieulin, dans un rapport du Conseil économique social environnemental de 2009, évoquait la possibilité d'imposer des quotas relatifs, soit aux logiciels libres, soit aux PME innovantes européennes ou, mieux encore, aux uns et aux autres. De tels quotas permettraient de contrecarrer l'influence des grands acteurs à tendance monopolistique, le plus souvent étrangers. Il a régulièrement été question d'un small business act européen. Véritable serpent de mer, le sujet revient sur le devant de la scène depuis des années.

Le développement de la filière du logiciel libre passera aussi par un changement de mentalité. Notre filière est souvent dénigrée, voire laissée de côté, dans les opérations de promotion des acteurs du numérique français. Le logiciel libre est quasiment absent de la communication autour de la French Tech, alors qu'il figure parmi les principales réussites de l'industrie informatique française. La filière française du logiciel libre, rapportée à la taille du marché français, reste sans doute celle qui s'en sort le mieux au monde. Nous pouvons en être fiers.

Certaines idées reçues assimilent le logiciel libre à un logiciel au rabais. Au contraire, il se situe au cœur de toutes les innovations du numérique. À la différence de ce que beaucoup pensent, 57 % des entreprises utilisent au moins un modèle éditeur et pas uniquement de service. Elles associent d'ailleurs souvent les deux. Sans doute un travail d'éducation reste-t-il par ailleurs à fournir, autant dans l'enseignement primaire ou secondaire que supérieur, de manière à inclure les concepts du logiciel libre dans les savoirs fondamentaux.

Deux opportunités se présentent selon moi à notre filière. La première viendra de la présidence française de l'Union européenne l'an prochain. Il est souvent question de collaboration européenne. La Commission européenne, l'Allemagne et d'autres pays encore ont lancé des initiatives fort intéressantes relatives au logiciel libre. Il me paraît essentiel de les coordonner et de les porter à un niveau supérieur en prenant en compte les aspects industriels trop peu présents dans les communications de la Commission. Une seconde opportunité surgirait si le Parlement s'emparait de la question en consacrant par exemple une mission à la souveraineté et au logiciel libre.

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