Je ne dispose pas d'informations précises. Malgré tout, nous avons constaté des niveaux de maturité variables selon les administrations. Tout dépend des circonstances. Il suffit parfois d'un directeur des services informatiques (DSI) enthousiaste pour qu'une attitude proactive s'impose. Je soulignais tout à l'heure que seule une partie des questions aux ministres de Mme la députée Isabelle Attard, en 2014, avait reçu des réponses. Je ne m'en rappelle plus suffisamment pour en donner un compte rendu synthétique. Par ailleurs, beaucoup d'eau a depuis coulé sous les ponts.
Aujourd'hui, le constat s'impose que des ministères jusque-là fortement impliqués dans l'utilisation du logiciel libre semblent s'orienter vers d'autres solutions. Malgré la volonté de mettre en avant la notion de souveraineté, peut-être de manière trop abstraite, de plus en plus d'acteurs se tournent vers des fournisseurs de cloud américains. Les contraintes qui en découlent risquent de contrecarrer à terme l'expansion des éditeurs de logiciels libres, mais aussi de l'industrie européenne du cloud. Les annonces récentes du gouvernement tendront plutôt à renforcer l'offre américaine, puisqu'elles supposent l'utilisation d'une technologie américaine, certes conjointement exploitée par des sociétés françaises.
Imposer des certifications à ces fournisseurs, comme le label SecNumCloud, risque, si les critères de sélection retenus s'avèrent trop exigeants, de menacer la survie des PME et TPE dépendantes de la commande publique. Notre étude révèle que 80 % de nos sociétés comptent parmi leurs clients des émanations du secteur public, même si ce pourcentage ne correspond pas à la part de leur chiffre d'affaires due à la commande publique. La plupart des sociétés de notre filière souhaitent acquérir de plus en plus de clients relevant de l'administration. Il ne faudrait donc pas imposer à ces entreprises des barrières, par méconnaissance de notre écosystème ou de notre offre, ou en raison d'une croyance en la supériorité des technologies américaines.
La mission d'animation et le transfert de bonnes pratiques qui incombent désormais à la Mission logiciels libres se réalisaient auparavant de manière plus informelle. Il faut que les acteurs les plus engagés dans l'utilisation du logiciel libre, autrement dit les premiers de cordée, par le partage de leur expérience, convainquent les responsables informatiques encore réticents de suivre leur exemple.
Notre étude portait en partie sur les collectivités territoriales. Nous avons tenté de mettre en évidence des disparités régionales. La place prépondérante de l'Île-de-France, liée au nombre de sociétés de notre filière qui y sont implantées, reflète somme toute la prépondérance économique de cette région dans la quasi-totalité des secteurs.
Toutes les régions ne semblent pas également sensibilisées à la question. Toutes ne soutiennent pas notre filière au même degré. À vrai dire, une seule région, la Nouvelle Aquitaine, très en avance, mène depuis vingt ans une politique active en faveur du logiciel libre, par le soutien de certaines initiatives. Depuis quelques mois, elle suit un plan de développement de la filière numérique prenant pleinement en compte le numérique ouvert ainsi que les aspects éthiques du numérique, dont nous-mêmes nous préoccupons beaucoup.
Dans notre rapport figure le témoignage de M. Nicolas Vivant, directeur de la stratégie et de la culture numérique de la ville d'Échirolles, ancien directeur des systèmes d'information (DSI) de la commune de Fontaine. Il compte à son actif un certain nombre de réussites. Ainsi, la municipalité dont il s'occupait a économisé 100 000 euros par an sur les licences propriétaires par le passage à Linux de 60 % des postes de travail. « Plus rapide, plus stable, plus esthétique et plus sécurisé, ce système d'exploitation revient moins cher que l'équivalent propriétaire », a déclaré M. Nicolas Vivant. Des professionnels qui s'engagent à faire profiter de leurs services des agents du service public, voire de simples citoyens, aboutissent à des résultats spectaculaires.