Intervention de Stéfane Fermigier

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 11h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Stéfane Fermigier, co-président du conseil national du logiciel libre (CNLL) :

Le titre de cet article, dont je reconnais qu'il est bien trouvé, a été choisi par l'auteur de l'article ou sa rédaction, qui en portent la responsabilité.

Le CNLL n'intervient pas dans le débat public uniquement pour dire que tout va mal. Notre situation comporte de bons côtés. Nous occupons une position dominante en termes de taille de marché, et de capacité technologique et humaine à mettre en œuvre nos innovations, en France, en Allemagne et, progressivement, en Europe. Malgré nos atouts, nous avons parfois l'impression d'être ignorés par la plupart des décideurs politiques. Je reconnais que le ministère de la transformation et de la fonction publique nous a écoutés plutôt attentivement ces derniers mois, notamment dans la mission de M. Éric Bothorel et ses suites, dont la circulaire du Premier ministre, M. Jean Castex.

Néanmoins, des déclarations d'intention ne suffisent pas. Notre filière est manifestement oubliée. Nous notons un tropisme vers les solutions les plus alléchantes, et pas seulement de la part de l'exécutif actuel, alors que tout ce qui brille n'est pas en or. Les présidents de la République et les Premiers ministres aiment se laisser prendre en photo auprès des grands du numérique comme Bill Gates, même si d'autres chefs d'entreprises l'ont éclipsé, depuis, dans les médias.

Dans le même temps, nous laissons Google venir en aide aux entreprises françaises. Des sociétés, tirant leur puissance de leurs moyens financiers conséquents, se livrent à un lobbying intensif. Il suffit de consulter les registres du lobbying à Bruxelles pour s'en rendre compte. La filière de l' open source est habituée à se débrouiller avec des moyens réduits et néanmoins beaucoup d'enthousiasme, dans le respect de valeurs et dans un esprit de collaboration. Nous peinons à faire entendre notre voix.

Il ne m'est pas agréable d'en parler, pourtant il le faudra bien : certains serviteurs de l'État quittent leur poste dans la fonction publique pour un autre dans des entreprises dominant le marché du numérique. Nous sommes en droit de nous interroger sur d'éventuelles distorsions de leur perception du secteur, voire sur l'indépendance de leurs décisions.

Sans aller jusqu'à dénoncer une corruption pure et simple, notre avocat M. Jean-Baptiste Soufron parle à ce propos de corruption des esprits. L'idée semble s'imposer d'une supériorité si manifeste des technologies du cloud en provenance des États-Unis sur celles inventées en Europe, que cela ne vaudrait pas la peine d'évoquer la filière européenne. L'exemple de la French Tech que j'ai évoqué tout à l'heure illustre bien ce travers.

Les contraintes et les difficultés que nous rencontrons, notamment d'ordre administratif en lien avec la passation de marchés publics, ne sont pas forcément perçues comme un véritable problème, alors que les contraintes liées au RGPD et à l'arrêt Schrems II ont incité les pouvoirs publics à concevoir une solution pour que l'administration française utilise la technologie du cloud américaine, en l'occurrence sur des serveurs hébergés en France. Nous observons un traitement selon deux poids, deux mesures. Nous souhaiterions être plus entendus. La Mission logiciels libres et la circulaire du Premier ministre, M. Jean Castex, montrent que nous l'avons été. Seulement, son périmètre nous paraît trop restreint au vu de nos attentes et de nos difficultés.

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