Le financement participatif est l'une des solutions pour mobiliser l'épargne des Français. Si vous avez tous parlé en milliards, je parlerai plutôt en millions… Mais, même à notre échelle, il est très important de continuer de développer ce secteur. ENERFIP est une start-up qui a lancé son activité en 2015. Nous réalisons du financement dans le domaine de la transition énergétique, essentiellement dans les énergies renouvelables. Concrètement, nous mettons en relation des porteurs de projets et des investisseurs. Nous avons financé une centaine de projets pour environ 20 millions d'euros. Il y a une très forte augmentation de la demande des investisseurs, et partant des épargnants, d'investir dans ce type de projets. Nous devons nous donner les moyens d'accélérer, pour que tous ceux qui ont envie de participer concrètement à la transition énergétique puissent le faire.
Nous nous rendons presque à chaque fois dans les territoires pour échanger avec les citoyens au cours d'une réunion, organisée très souvent par la collectivité et le porteur du projet. Dans la mesure où ils ont pour objectif d'investir dans ces projets qui sont à côté de chez eux, ils sont très à l'écoute. Cela nous permet de discuter avec des gens qui veulent mieux connaître la transition énergétique et s'approprier les projets. Contrairement aux plateformes de crowdfunding, qui sont très abstraites, particulièrement dans les territoires agricoles, notre présence permet de matérialiser le projet. Nous les aidons dans leur processus d'investissement, ce qui favorise également le développement de ce type de financement. Selon nous, le financement n'est vraiment pas un frein dans le domaine des énergies renouvelables : un projet solaire ou éolien de 500 000 euros, ouvert à tout le monde, part en deux heures sur la plateforme. Les gens sont très intéressés.
Un autre exemple : nous avons conclu un partenariat avec la banque privée de certaines caisses du Crédit agricole, qui font preuve d'une volonté forte d'investir dans des projets de leur territoire. Les retours étant excellents, nous pensons établir d'autres partenariats avec d'autres caisses, voire d'autres banques, pour ce type de financement.
En 2018, la finance alternative a représenté, selon le barème KPMG, 52 millions d'euros dans le domaine de l'environnement, dont 38 millions d'euros pour les plateformes de financement participatif dans le domaine des énergies renouvelables. Même si ce montant représente une augmentation de 89 % par rapport à 2017, cela reste, comme vous le voyez, très faible, bien en deçà de ce qui pourrait être fait. La totalité de l'épargne disponible des Français s'élevant à 5 000 milliards d'euros, nous avons de quoi faire pour améliorer ces chiffres, d'autant plus quand on voit l'engouement que suscite le sujet.
Un sondage, commandé par le ministère de la transition écologique et solidaire et réalisé par l'institut YouGov, a montré que 41 % des Français sont d'ores et déjà prêts à investir dans ce secteur et que 34 % n'ont pas d'opinion, ce qui suppose qu'ils pourraient être convaincus. Actuellement, moins d'un Français sur cinq a déjà investi dans les énergies renouvelables – le livret de développement durable compris ; et 3 % ont investi sur des plateformes de financement participatif. Nous sommes convaincus que, plus il y aura d'investisseurs qui investiront en direct dans ce type de projets, mieux les Français connaîtront le sujet et plus ils pourront s'approprier ces projets, dont l'acceptabilité grandira.
De fait, pour nous, le frein aux énergies renouvelables n'est pas le financement – les banques et les fonds d'infrastructures ont toutes les liquidités nécessaires –, mais l'acceptabilité des projets et leur rythme de développement. En Allemagne, la moitié du parc énergétique est détenue par des citoyens, et l'on y met quatre ans à sortir un parc éolien contre dix ans en France. Il y a vraiment quelque chose à faire, d'autant que notre législation est adaptée.
La loi de 2014 sur le financement participatif, l'une des plus abouties en Europe, va être renforcée par la loi PACTE, grâce à une augmentation du plafond par émetteur et par an, lequel passe de 2,5 à 8 millions d'euros. La loi de 2015 sur la transition énergétique permet aux collectivités d'investir dans les projets de leur territoire, ce qui représente un levier très important.
Depuis 2016, le cahier des charges des appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) octroie un bonus au financement participatif, si 40 % des fonds propres et quasi fonds propres sont réunis par au moins vingt citoyens dans le département et les départements limitrophes. Ce bonus qui fonctionne très bien, puisque 80 % des lauréats avaient coché cette case, et dont les développeurs et les collectivités sont très friands. Il a permis de mettre en lumière ce que nous faisons, même s'il faudra aller encore plus loin.
Il ne s'agit donc pas tant de savoir si les citoyens ont envie de participer et comment ils pourraient le faire, mais de savoir comment faire plus. Je vais vous soumettre trois propositions, issues des différents groupes de travail auxquels nous participons, avec la direction générale de l'économie et du climat (DGEC), Financement Participatif France et la Plateforme verte notamment.
Première proposition : il conviendrait de revoir le système actuel des bonus dans les appels d'offres. Actuellement, c'est tout ou rien. Si le développeur coche la case « financement participatif » et parvient à le mettre en œuvre, il bénéficie d'un bonus de 3 euros par mégawattheure (MWh) ; s'il n'y parvient pas, il supporte un malus de 3 euros par MWh, ce qui ôte toute viabilité économique au projet. Nous proposons d'introduire une progressivité dans le bonus et de le rendre éventuellement obligatoire à terme, comme au Danemark ou en Écosse, avant de l'étendre à d'autres secteurs – éolien offshore ou chaleur renouvelable.
Deuxième proposition : une campagne de communication de masse serait très utile, pour que les Français connaissent le sujet et sachent qu'ils peuvent investir dans les énergies renouvelables, grâce à des plateformes de financement participatif, et flécher leur épargne de manière très simple. Cette communication pourrait s'appuyer sur le label « financement participatif pour la croissance verte », créé par le ministère de la transition écologique et solidaire, et le mettre en valeur, alors qu'il n'est pas du tout utilisé à l'heure actuelle.
Troisième proposition : intégrer les collectivités, les développeurs et les citoyens aux projets, grâce au financement participatif, en formant les collectivités au système existant pour qu'elles le mettent en avant dans leurs discussions avec les porteurs de projets.