Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du jeudi 13 juin 2019 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

J'aime bien votre façon de présenter les choses au moyen de ce triptyque – pourquoi on change, où on va et comment on y va – et je vous rejoins pour dire qu'on sait très bien pourquoi on change, même si cette première question n'est en fait pas si simple que ça. Vous avez raison de souligner qu'on parle peut-être un peu trop du mix électrique alors qu'on devrait s'intéresser davantage à la consommation globale d'énergie. Le mix électrique est un concept important, mais qui conduit très vite à évoquer la part du nucléaire – or, si on cherche à réduire la part du nucléaire, ça n'est pas pour réduire les gaz à effet de serre puisque, par définition, le nucléaire n'en émet pas.

Si nous devons changer, c'est aussi et surtout parce que notre modèle de consommation énergétique n'est pas adapté aux grands enjeux environnementaux : nous consommons trop d'électricité globalement, mais aussi trop d'électricité provenant d'énergies fossiles : nous devons donc changer pour aller vers un autre modèle de production. En fait, comme l'a très bien dit le Premier ministre hier et comme le dit très régulièrement le Président de la République, c'est un nouveau modèle économique que nous cherchons à construire. Notre modèle de croissance économique a trop longtemps considéré que les sujets d'externalités environnementales n'étaient finalement pas très importants, et nous devons aujourd'hui inventer un nouveau modèle économique, dans lequel on sait produire, consommer et vivre différemment, en respectant la planète et en n'épuisant pas ses ressources, tous types de ressources confondus.

Je suis d'accord aussi quand vous dites que les choses sont claires pour ce qui est de savoir où on va : on a une ambition « zéro émission nette de carbone » en 2050, inscrite dans l'accord de Paris, et que l'on retrouve à l'article 1er du projet de loi climat-énergie. Sur ce point, il y a des débats sans fin car, dès qu'on évoque un objectif en net, cela implique l'idée d'une certaine compensation, ce qui conduit certains à craindre que l'on réduise moins pour compenser davantage. Or, on passe d'une division par quatre à une division par au moins six de la consommation d'énergies fossiles : l'objectif est donc très clair !

Pour ce qui est du reste, ce sera techniquement de la compensation – nationale, je le précise, car il n'est pas question de déplacer le problème en allant faire de la compensation ailleurs. En la matière, le secteur agricole va être amené à jouer un grand rôle, ce qui est une bonne chose, car ce n'est pas le secteur qui a été le plus mis en valeur dans les périodes précédentes. Si le secteur agricole est partiellement à l'origine du problème – il est émetteur de gaz à effet de serre, notamment du fait de l'élevage – il fait aussi partie de la solution, parce qu'il peut massivement séquestrer du carbone, comme le secteur forestier, et nous nous efforçons de trouver des moyens de développer cette capacité-là. Pour ce qui est de savoir où on va, la cible à moyen terme est donc claire, très ambitieuse et cohérente avec l'accord de Paris.

Enfin, en ce qui concerne la façon d'atteindre notre objectif, je partage votre constat mais je vous trouve un peu dur : selon moi, la PPE donne quand même les grands équilibres et explique bien qu'un travail sur la consommation elle-même est accompli dans tous les secteurs – les transports, le bâtiment, l'agriculture, l'industrie et le mix énergétique.

Cela dit, c'est vrai que la PPE est pleine de chiffres, qu'il y est question tantôt de consommation primaire, tantôt de consommation finale, et à la fois de consommation et de production, ce qui fait qu'on a parfois du mal à s'y retrouver. Je veux tout de même saluer l'énorme travail qui a été fait par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) – j'en profite pour remercier Virginie Schwarz, qui est à mes côtés – pour réaliser une synthèse courte et claire de la PPE qui, je le rappelle, est à l'origine un document de plusieurs centaines de pages.

Peut-être faut-il envisager de faire maintenant une synthèse de la synthèse, en simplifiant encore pour obtenir un document de deux pages en entonnoir, comme vous le proposez, faisant apparaître la totalité de la consommation par grands secteurs et l'impact qui en résulte. Une telle démarche est compliquée à réaliser car, en la matière, nous avons affaire à des vases communicants : si on décarbone les transports, on aura plus d'électricité dans la consommation d'énergie dédiée aux transports, ce qui va nous ramener à la production électrique, etc.

Il doit cependant être possible de faire encore mieux en matière de simplification et d'explicitation des efforts, ce qui va d'ailleurs nous faire revenir aux fondamentaux. En l'occurrence, il faut décarboner les transports, car c'est là qu'on utilise le plus d'énergies fossiles – ce qui implique de redéfinir la place de la voiture, mais aussi la voiture elle-même. Il faut également décarboner le bâtiment et, comme l'a dit le Premier ministre, passer à la vitesse supérieure sur la rénovation des bâtiments, y compris des bâtiments publics – aussi bien ceux de l'État que ceux des collectivités territoriales – et du tertiaire. Sur ce dernier point, le décret tertiaire, attendu depuis très longtemps, va bientôt venir poser l'obligation de réduction de la consommation dans les bâtiments tertiaires. J'ai évoqué cette question très récemment avec la DGEC et je sais que les choses avancent, puisque le décret est actuellement au Conseil d'État. Enfin, il faut aussi réduire la consommation dans les logements, qu'il s'agisse du logement social, du logement privé, des copropriétés, etc.

Nous pouvons probablement aller plus loin dans la simplification pour rendre notre vision encore plus lisible. En commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, nous avons comparé les objectifs législatifs et ceux de la PPE qui est réglementaire. Rappelons que la PPE est réglementaire parce que le législateur – celui de la législature précédente – l'a voulue ainsi. L'ambition se lit dans la somme des textes : la loi de transition énergétique, les modifications apportées par la loi énergie et la PPE. J'accepte tout à fait l'invitation à aller vers un discours encore plus simple qui permette à chacun de comprendre quelle est sa place dans la transition, en tant que citoyen, en tant qu'usager et acteur des transports, en tant qu'habitant d'un logement, etc.

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