Madame la secrétaire d'État, j'aimerais revenir sur le modèle économique que nous devons inventer dans un contexte de transition énergétique visant à la neutralité carbone à l'horizon 2050. Il ne faudrait pas oublier toutes les opportunités économiques qui se présentent à nous.
Prenons l'exemple du photovoltaïque. Il me semble que nous avons vraiment raté le coche dans ce domaine alors qu'il offrait pourtant des opportunités que n'ont pas manqué de saisir l'Allemagne ou la Belgique, des pays où l'ensoleillement n'est pas meilleur qu'en France. Le développement du photovoltaïque est dix fois plus important en Belgique et quarante ou cinquante fois plus important en Allemagne qu'en France. C'est un exemple de rendez-vous manqué pour l'industrie de notre pays.
Prenons maintenant l'exemple de la mobilité. J'ai l'impression que nous sommes en train de nous enfermer quasi exclusivement dans une mobilité électrique, au risque d'oublier d'autres opportunités comme les biocarburants. Nous avons quelques évolutions par petites touches dans le projet de loi de finances ou dans le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) autour des biocarburants. Je pense notamment au flex-fuel. Des constructeurs français vendent ces technologies à l'étranger, notamment dans des pays d'Amérique du Sud comme le Brésil, mais pas en France. On oublie tout un pan de développement économique qui offrirait des débouchés à l'industrie automobile mais aussi, en amont, à l'agriculture.
L'agriculture a un rôle essentiel à jouer, notamment dans le stockage de carbone, dites-vous. Je suis entièrement d'accord avec vous. Je pense néanmoins qu'il ne faut pas tomber dans une caricature et qu'il faut faire très attention dans ce domaine. Avec deux co-rapporteurs, Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, j'anime une mission d'information de trois ans sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate en France. Nous avons mené de nombreuses auditions et nous avons effectué des déplacements, notamment dans mon département de l'Aisne.
De nombreux agriculteurs nous disent qu'ils pratiquent l'agriculture de conservation des sols, c'est-à-dire le non-labour. Cette technique permet de réduire l'empreinte carbone et les émissions de gaz à effet de serre puisqu'elle limite les allées et venues de tracteurs fonctionnant au fioul rouge. Le fait de ne plus retourner la terre depuis des années permet aussi de stocker l'énergie. Ce sont néanmoins des fermes destinées à produire, par exemple, des céréales.
Les agriculteurs expliquent qu'ils sont parfois obligés d'utiliser des herbicides pour éviter une concurrence entre les végétaux et éliminer les adventices. Ils ont compris qu'ils allaient devoir se passer du glyphosate mais ils se demandent comment ils vont faire. Les chimistes n'ont pas sorti un autre produit qui serait beaucoup plus vertueux ; les solutions mécaniques ne sont pas toujours adaptées à leur territoire et aux surfaces qu'ils cultivent. Ils sont volontaires pour faire un pas, mais ils ont besoin de le faire intelligemment et d'être accompagnés. En tant qu'agriculteurs, ils ont conscience d'avoir une clef, une solution pour la réduction de l'empreinte carbone. Ils font un effort mais ils ont parfois le sentiment qu'on leur met des bâtons dans les roues.
Sans tomber dans une caricature, je dirais que les objectifs fixés dans différentes politiques peuvent être contradictoires. Nous sommes parfois schizophrènes et nous mettons en difficulté ceux qui pourraient être la solution aux problèmes que nous devons résoudre.