Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 17 décembre 2019 à 16h25
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes :

Ces consultations citoyennes ont eu un impact, monsieur Bourlanges ! Le rapport fait sur ces consultations au niveau national mais aussi européen montre très clairement qu'elles ont nourri l'agenda stratégique du Conseil et les propositions de la Commission. J'ai proposé hier que nous fassions une comparaison sémantique et linguistique pour voir comment les contributions citoyennes avaient bien trouvé leur place dans l'agenda européen.

Pour ce qui est des traités, madame la présidente, cela dépend de ce que l'on dit. Si je vous dis aujourd'hui que nous ne changerons rien aux traités, beaucoup de questions pertinentes, qui mériteraient d'être posées, ne le seront pas. Si je vous dis que nous allons les réformer, beaucoup de solutions qui pourraient être adoptées sans changer les traités ne seront plus explorées. Regardons politique par politique et posons-nous ces trois questions – souveraineté, solidarité et réactivité. Sur le dernier point, le Président aime bien citer un exemple particulièrement révélateur : si nous réussissons à tenir le rythme prévu, pour ce qui est de l'union bancaire, nous aurons terminé en 2028 de mettre en œuvre les mesures répondant à une crise qui a éclaté en 2008. Je ne suis pas certaine que les citoyens attendent de nous que nous mettions vingt ans à apporter des solutions… Nous devons avancer autrement.

S'agissant du prochain cadre financier pluriannuel 2021‑2027, la Première ministre finlandaise a présenté la boîte de négociation chiffrée soumise par la présidence le 2 décembre, portant à la fois sur le volume global et sur les principaux programmes composant notre budget pour l'Union. La présidence propose ainsi un budget à hauteur de 1,07 % du revenu national brut (RNB). Certains pays, dont l'Allemagne, défendent une cible à 1 % du RNB. Nous pensons que la base de travail finlandaise est intéressante. Nous avons été entendus, notamment sur le budget de la politique agricole commune (PAC), puisque la présidence propose d'augmenter de 10 milliards d'euros la proposition de la Commission. Nous avons également été entendus sur la question de la préservation des régions en transition, dans le cadre de la politique de cohésion ; tout comme sur les rabais, les ressources propres ou la conditionnalité à l'État de droit.

Nous pensons toutefois qu'il faut poursuivre le travail, en particulier sur la PAC, afin d'opérer un rééquilibrage en faveur du premier pilier. Il nous semble également utile d'aller plus loin dans les nouvelles ressources propres, pour sortir de la logique du juste retour. Il n'y aura pas, à mes yeux, d'accord sur le budget sans cela. Concernant le climat, par exemple, il y a eu une unanimité pour demander à la Commission de proposer un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières et, partant, créer une ressource propre et pérenne répondant à deux objectifs : financer le budget et rétablir une concurrence loyale entre la production de nos industriels, qui respectent des normes ambitieuses, et les produits importés, notamment basiques, dont nous connaissons très bien l'empreinte carbone et qui, en l'absence d'un marché carbone, sont produits à un coût moindre. Une telle unanimité représente un énorme progrès. Des pays comme l'Espagne, les Pays‑Bas ou le V4 souhaitent que nous détaillions le projet, de sorte qu'il soit compatible avec les règles de l'OMC. Ce mécanisme n'est pas une taxe, qui reviendrait à mettre un prix forfaitaire sur l'entrée de tel ou tel bien. Il vise à intégrer dans le prix à la vente en Europe le prix du carbone.

Notre vigilance se portera aussi sur la protection des intérêts des régions ultra‑périphériques, les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), et sur tout ce qui pourrait accélérer la convergence sociale, notamment dans les pays dits du Sud. Le sujet a été discuté puis transmis à Charles Michel, ce qui devrait permettre aux chefs d'État et de gouvernement de trouver un accord d'ici au printemps.

Avant de répondre à vos questions sur la politique étrangère, je vous en donne déjà le menu. Les chefs d'État ou de gouvernement ont abordé la situation du Sahel, celle de la Russie, après le sommet en format Normandie du 9 décembre, de la Turquie également et de ses activités dans les eaux de Chypre, et ont rappelé leur solidarité à l'Albanie, après le tremblement de terre qu'elle a subi, et salué l'annonce par la Commission d'une conférence des donateurs qui devrait se tenir mi-janvier à Tirana.

Pour ce qui est du commerce, les chefs d'État ou de gouvernement ont exprimé leurs préoccupations quant à la paralysie du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Un sommet de la zone euro a été organisé en format inclusif. La déclaration adoptée salue les travaux réalisés au sein de l'Eurogroupe sur l'approfondissement de la zone euro et appelle à la poursuite des travaux sur les réformes du mécanisme européen de stabilité. Le Président de la République a rappelé que le budget de la zone euro doit être, selon nous, un instrument de convergence, mais aussi de stabilisation. Le dialogue sur la nature juridique de cet objet et le caractère ouvert de son financement se poursuit, de sorte à pouvoir brancher de nouvelles sources de financement sur ce budget, sans avoir à en attendre la fin en 2027.

Enfin, une session du Conseil européen en format article 50 a été organisée, au lendemain des élections, qui ont réaligné le peuple britannique et son parlement. Nous pensons que de meilleures conditions sont réunies pour organiser une sortie ordonnée du Royaume-Uni et poser les principes clairs de la relation future. Nous cherchons à établir une relation intense. Nous avons organisé le cadre de ces négociations autour de Michel Barnier, avec une structure qui assure une cohérence d'ensemble et l'unité des États membres et un négociateur unique, pour éviter que les sujets sur lesquels nous pouvons avoir un effet levier soient retirés de la table des négociations. Nous avons rappelé que nous voulions une relation commerciale ambitieuse, mais qu'elle serait conditionnée au respect des conditions de concurrence équitables – « zéro tarif, zéro quota et zéro dumping ». Cette relation promet d'être assez unique au monde, dans la mesure où l'intensité des liens commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est sans équivalent. S'il faudra l'équilibrer dans le domaine commercial, ce devra également être le cas pour la pêche ou le partenariat de sécurité. Il sera important que l'Union européenne reste aussi unie qu'elle l'est aujourd'hui.

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