Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mardi 17 décembre 2019 à 16h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Je voudrais évoquer le Green Deal, c'est-à-dire le plan qui a été présenté par la présidente de la Commission européenne. Comme l'ont dit plusieurs collègues avant moi, nous sortons d'une COP25 qui a été absolument catastrophique, notamment parce que la France et l'Union européenne n'ont pas joué un rôle moteur, ce qui s'explique en partie par un manque de crédibilité lié au fait que ni l'Union européenne ni la France – et la France en premier lieu – ne respectent leurs objectifs. Nous nous trouvons donc chaque fois dans une situation où nous ratons les objectifs et essayons de rehausser les ambitions, tout en restant dans le modèle économique mortifère qui est le nôtre. Avec la neutralité carbone, c'est la même chose : on rehausse encore les ambitions, mais on continue avec le libre-échange à tout-va, qui, pour le coup, augmente les émissions de gaz à effet de serre. D'ailleurs, la neutralité carbone est en soi est une mesure problématique, mais je ne m'y attarderai pas.

Le Green Deal est une référence, entre autres, au Green New Deal présenté en février 2019 par Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders, qui donnait trois axes principaux : d'abord, la nécessité d'un État fort, permettant de relocaliser les activités et de planifier la bifurcation économique dont nous avons besoin ; ensuite, l'objectif de s'attaquer aux injustices sociales et promouvoir une écologie populaire ; enfin, le financement de cette réorientation de l'économie. Dans le plan de Mme von der Leyen, le mot « New » disparaît, alors qu'il s'agissait d'une référence au New Deal, le plan lancé par Roosevelt en 1932 pour lutter contre la grande dépression et qui, contrairement à ce qui est souvent dit, visait d'abord et avant tout à restaurer la démocratie américaine. C'était également un programme de justice sociale et non pas de relance de la croissance. À cet égard, dans les conclusions du Conseil européen du 12 décembre, la deuxième phrase pose problème : « La transition vers la neutralité climatique offrira d'importantes perspectives, notamment des possibilités en matière de croissance économique ». C'est là que ça bloque : on conserve le cadre de la croissance, qui est pourtant complètement dépassé, tout en se gardant de s'attaquer aux inégalités sociales, en dépit des problèmes d'harmonisation qui existent au sein de l'Union européenne, dont nous avons souvent parlé, et en ayant en tête la fausse idée selon laquelle on pourrait continuer avec la croissance et en même temps baisser les émissions de CO2, ce qui est absolument impossible. De même, l'économie circulaire pose un problème de cadre et ne s'attaque jamais ni à la production de déchets ni à la question de savoir ce qui est produit et comment on le produit.

Ne pensez-vous donc pas, madame la secrétaire d'État, qu'il faut changer de cadre, opérer une véritable bifurcation écologique et sociale pour aller vers le 100 % renouvelable ? À ce propos, je relève une chose que vous avez dite et qui me paraît extrêmement choquante : non, le nucléaire n'est pas une énergie décarbonée, notamment parce qu'il n'est pas résilient au changement climatique.

Nous avons dû arrêter plusieurs réacteurs l'été dernier. Si l'on veut privatiser les barrages – ou les « ouvrir à la concurrence », comme on dit généralement –, cela va poser un problème pour le refroidissement des réacteurs. Nous devons donc aller vers 100 % d'énergies renouvelables, vers l'éco-construction et l'agriculture durable. Le Green Deal apparaît comme une manière de continuer comme avant, en conservant le modèle actuel, alors qu'il faut aller vers un « pacte des jours heureux », qui remettrait en cause ce système économique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.