Dans les faits, un certain nombre de pays ont choisi un mix énergétique qui donne les chiffres que je vous ai donnés en termes d'intensité carbone dans la consommation – il s'agit bien de la consommation : les importations d'énergie sont donc prises en compte.
Vous soulevez en revanche une question tout‑à‑fait légitime quand vous dites que nous devons nous interroger sur le modèle de production nucléaire, notamment en ce qui concerne le refroidissement et l'accès au combustible. C'est précisément pour cela que la France a fait le choix de passer à 50 % de nucléaire, contre 75 % : nous voyons bien qu'il nous faut diversifier notre production énergétique. C'est la raison pour laquelle nous investissons dans le solaire et dans l'éolien, notamment l'éolien offshore. Si certains types de production nous conduisent à faire des investissements et à mener des réflexions, notamment s'agissant du refroidissement, il faut quand même rappeler aux Français que le choix du mix énergétique conditionne très largement l'intensité CO2 de notre modèle.
S'agissant du Green New Deal, ou plutôt du Pacte vert de la Commission européenne – je l'évoque en français afin d'atténuer la charge émotionnelle –, il comporte un engagement inédit, autour d'un principe ambitieux que la France a défendu avec force : tous les accords commerciaux que l'Union européenne signera intégreront les conclusions de l'accord de Paris sur le climat. Cela signifie que nous faisons de cet accord une clause essentielle, et que nous n'importerons pas de CO2 – un paragraphe entier du texte est consacré à la question du CO2 importé, notamment la « déforestation importée », ce qui nous a conduits à mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières (MIC).
Madame Panot, votre « pacte des jours heureux » propose une conception de l'économie très différente de celle qui prévaut aujourd'hui et peut tout à fait être débattue. Nous cherchons quant à nous à mettre en œuvre une transition, à adapter le modèle actuel pour l'adapter en matière de production, de consommation, de mobilité et de commerce international. Je rappelle que, sur la même période, le produit intérieur brut (PIB) européen a augmenté de plus de 60 % alors que notre production de CO2 a diminué de 20 % ; le découplage dont vous parlez est donc possible.
À ce propos, monsieur Deflesselles, la neutralité carbone peut bien sûr être atteinte grâce aux puits de carbone, mais elle passe aussi par la diminution des émissions, et donc par l'utilisation de nouvelles sources d'énergie. À cet égard, l'Union européenne, et en particulier l'Allemagne et la France, travaillent sur l'hydrogène qui, s'il est produit à partir de sources d'énergie renouvelables, peut apporter une solution.
Nous avons également fait valoir notre position sur la fixation d'un prix du carbone sur le marché européen. L'objectif étant de parvenir à la neutralité carbone, ce prix pourrait en théorie augmenter indéfiniment. Alors que le marché fonctionne de manière erratique et imprévisible, ce qui n'est pas bon vu la durée des investissements à consentir, nous avons défendu un prix plancher. Le Président de la République l'a dit publiquement, la position française consiste à soutenir l'augmentation graduelle du prix du carbone – c'est tout l'intérêt de la mesure ; et surtout la mise en place rapide d'un prix plancher, sans quoi de nombreux investissements utiles ne pourront être réalisés. C'est dans ce cadre-là que nous cherchons à mobiliser autour du MIC. Par exemple, si une barre d'acier arrive d'un pays où le prix du carbone est fixé à 10 euros la tonne, mais que le prix plancher du carbone est établi à 25 euros sur le marché européen, le différentiel est corrigé, et si une barre d'acier vient d'un pays dans lequel il n'existe pas de marché du carbone, c'est l'intégralité du prix européen qui se trouve appliquée.
Ce mécanisme vertueux pourrait couvrir des zones économiques de plus en plus larges, puisqu'il serait dans l'intérêt de nombreux pays, pour être compétitifs sur le marché européen, de fixer à leur tour un prix du carbone.
La baisse des émissions est bien le principal moteur de l'objectif de neutralité carbone. Cela signifie qu'il nous faut beaucoup investir dans le domaine de la recherche : 35 % des financements prévus par le programme Horizon Europe – programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation pour la période allant de 2021 à 2027 –, soit 35 milliards d'euros, seront précisément dédiés à la recherche et à l'innovation pour la transition énergétique, dans les domaines de l'agriculture, de la mobilité et de l'énergie. Il y a là une grande cohérence.