Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 17 décembre 2019 à 16h25
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargées des affaires européennes :

ElectricityMap – en français « carte de l'électricité – est une application qui permet de connaître en temps réel les types de production, le niveau des importations et des exportations de chaque pays européen, et donc, sur un certain nombre de sujets, d'en revenir aux faits. Lorsque je voyage en Europe, je n'hésite pas à rappeler à mes interlocuteurs les positions relatives des uns et des autres, afin que l'on s'en tienne aux faits et non aux fantasmes ou aux cauchemars qui se trouvent parfois véhiculés.

S'agissant des financements, monsieur Chassaigne, il existe trois instruments différents.

Il y a d'abord le budget européen prévu sur la période 2021-2027. La France souhaite que 40 % de ces milliers de milliards d'euros contribuent à la transition énergétique. Nous cherchons à mettre en cohérence le budget européen avec cette nécessité, par le biais de la politique agricole commune (PAC) avec l'objectif de faciliter les investissements permettant aux agriculteurs de « verdir » leur activité, de la politique de cohésion de l'Union européenne ou du programme Horizon Europe, dont je viens de parler.

Il y a ensuite la banque européenne d'investissement (BEI), qui octroie des prêts. Elle ne les consent pas à des États, mais à des projets. La nature de ces prêts ne correspond pas à ce que vous décrivez : ce ne sont pas des prêts à taux négatif, et leur taux varie en fonction du projet et non pas du pays où celui-ci est mis en œuvre. Dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, le programme de rénovation de logements individuels est largement financé par des prêts bonifiés de très long terme – plus de vingt-cinq ans –, à des taux très intéressants. C'est pour cela que les collectivités locales, dans cette région, ont choisi de faire appel à la BEI. Celle-ci, je le répète, ne prête pas au même taux pour un projet de tramway ou pour un projet de rénovation énergétique. Vous faisiez sans doute référence, monsieur Chassaigne, au mécanisme européen de stabilité, dans lequel les prêts sont consentis à des États, et où les taux pratiqués dépendent de la situation respective de chaque État et peuvent donc beaucoup varier. La BEI apporte un financement attractif qui sert de garantie au moment du lancement du projet, qui pourra être cofinancé par une collectivité locale ou des investisseurs privés.

Il y a enfin le mécanisme de transition juste, programme purement européen qui reprend une terminologie des Nations unies. Il vise à investir de l'argent public pour financer des projets sur des critères d'éligibilité qui ne sont pas uniquement liés à la qualité du projet, à la différence de la BEI. Il s'agit plutôt de financer des investissements publics, notamment en matière d'infrastructures, sur la base de la situation sociale – madame Panot – du territoire concerné, mesurée par le PIB par habitant. Pour prendre un exemple un peu caricatural, des moyens plus ou moins importants seront accordés à une région en cas de fermeture d'une centrale à charbon, pour aider les travailleurs à se reconvertir, et trouver de nouvelles sources de développement économique, selon qu'elle se trouve en Pologne ou en Allemagne. Le soutien de l'Union européenne sera plus important là où il s'avère plus nécessaire.

Sur toutes ces questions, il est souvent question de milliers de milliards d'euros, et personne ne voit très bien de quoi il s'agit. Pour effectuer la transition, trois types de financements sont nécessaires.

Il faut d'abord des subventions publiques ; celles-ci doivent porter sur des projets qui ne peuvent exister sans argent public, car ils n'attendent aucun retour sur investissement.

Il faut ensuite de l'argent parapublic : dans ce cas, l'argent public sert de matelas initial, de mise de départ incitant les investisseurs privés à s'engager pour financer un projet dont ils voient qu'il est rentable. Les premières prises de risque sont absorbées par les acteurs publics, et le financement est ensuite complété par les acteurs privés.

Le troisième type de financement est purement privé. C'est tout l'objet de notre travail au niveau européen pour que se développe une finance durable. Nous voulons que l'épargne privée, qu'il s'agisse des 1 700 milliards d'euros de l'assurance-vie française, des 3 000 milliards de l'assurance-vie allemande, ou des sommes importantes placées dans le cadre des retraites par capitalisation, par exemple aux Pays-Bas, finance non pas des centrales à charbon ou des projets à l'autre bout du monde, mais les petites et moyennes entreprises et les infrastructures énergétiques françaises ou européennes.

Cela pose la question extrêmement importante de la mobilité de l'épargne au sein de l'Union européenne. C'est un problème, en effet, si toute l'épargne se trouve en Allemagne, en France et aux Pays-Bas alors que les besoins, en matière de transition énergétique, sont plutôt situés en République tchèque, en Hongrie, en Pologne, au Portugal ou aux marges de l'Europe ! Cela signifie que ce continent riche en épargne ne fait pas jouer sa solidarité et la mobilité de l'épargne pour assurer la transition de l'ensemble de l'Union. Dans le cadre de ce débat sur l'investissement privé, nous sommes soucieux de mettre en œuvre une finance durable et de favoriser la mobilité de l'épargne. Nous essayons de construire une union européenne de l'investissement et de l'épargne afin qu'émerge une véritable cohérence entre tous les acteurs, que ce soit la BEI, les banques publiques d'investissement, l'investissement parapublic ou l'investissement privé.

J'espère avoir été claire, et je serais ravie de revenir en détail sur ce sujet si le besoin s'en fait sentir.

Un autre sujet est apparu de manière transversale dans vos questions : il s'agit du budget et du cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne pour la période 2021-2027.

Monsieur Bourlanges, vous me demandez d'être précise ; je vais essayer de l'être autant que possible. Je vais répéter ici ce que j'ai dit à la présidence finlandaise : la France n'a pas de dogme. Je ne vais pas donner un chiffre magique auquel devraient se conformer les contributions nationales au budget européen, par exemple 1,112 %, ou 1,058 % du revenu national brut (RNB). Je sais que certains pays sont en mesure de le faire. Ils proposent ainsi 1,00 %, ou 1,27 %. Le Parlement évoque une contribution fixée à 1,3 % du RNB de chaque État membre…

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