Intervention de Sabine Thillaye

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 16h05
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye, Présidente :

. J'ai assisté hier et ce matin à Bruxelles à la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance économique dans l'Union européenne, qui réunit des représentants des parlements nationaux, issus des commissions des affaires européennes et des finances, et des représentants du Parlement européen. Je vais vous faire un rapide retour sur nos échanges lors de cette conférence, dont l'ordre du jour portait sur la gouvernance économique dans l'Union économique et monétaire, le prochain cadre financier pluriannuel et le rôle des politiques économiques, budgétaires et sociales européennes dans la lutte contre le changement climatique.

Ces réunions sont toujours un peu frustrantes. Chacun exprime sa position en deux minutes, ce qui limite la profondeur de la réflexion sur des sujets aussi vastes, et les discussions ne trouvent aucune traduction concrète susceptible de permettre aux Parlements nationaux d'influer sur la gouvernance de l'Union économique et monétaire, ce qui était le but affiché de la création de cette conférence. Cet objectif n'a pas été atteint. Nous parlons, mais ne votons pas.

Encore que, pour une fois, le calendrier de cette conférence n'était pas trop décalé de l'actualité, puisqu'elle s'est tenue entre le conseil « affaires générales » et le Conseil européen consacrés au cadre financier pluriannuel, et peu de temps après le lancement par la Commission d'une consultation sur la révision du cadre de surveillance économique.

Sur la gouvernance, nous avons entendu beaucoup de discours déjà maintes fois tenus sur la nécessité d'achever l'union bancaire, de créer l'union des marchés de capitaux ou de revoir les règles budgétaires pour les rendre moins complexes, moins procycliques, et qu'elles favorisent davantage les investissements pour la lutte contre le changement climatique. J'ai tout de même noté un début d'évolution de nos collègues allemands sur la nécessité d'investir pour le pacte vert et sur la garantie européenne des dépôts.

Plusieurs intervenants ont fait part des craintes de pays qui ne sont pas encore membres de la zone euro que les règles communes de l'Union européenne soient élaborées en fonction des intérêts de la zone euro. Cette dichotomie entre pays membres de la zone euro et pays hors zone euro se retrouve dans les débats sur l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro. Si certains représentants de la zone euro sont frustrés du manque d'ambition de cet instrument, par son volume et l'absence de fonction de stabilisation, d'autres ont insisté sur la nécessité de favoriser la convergence des économies des pays qui ne sont pas encore membres de la zone euro avec celles des pays qui en sont membres.

Sur les objectifs à long terme, il y a peu de divergences entre les représentants des parlements nationaux, mais nous entrons peu dans le détail et, ce que je regrette surtout, la question de la méthode qui permettrait d'avancer est malheureusement fort peu abordée. Or je rappelle que l'union bancaire a été lancée dès 2012, et le commissaire Gentiloni a évoqué la fin du mandat de l'actuelle commission pour son achèvement, avec la mise en place de l'assurance européenne des dépôts. 13 ans, c'est long !

Sur le cadre financier pluriannuel, les représentants du Parlement européen ont réaffirmé leur position, et le fait qu'ils ne pourraient pas accepter la proposition de compromis faite par Charles Michel la semaine dernière. Ils sont toutefois conscients de la forte pression qui pèsera sur eux pour avaliser un accord qui serait trouvé au Conseil européen. On sent une inquiétude des parlementaires européens, qui ne veulent pas accepter un budget qu'ils ne jugeraient pas à la hauteur des ambitions, mais qui craignent en cas de rejet d'être considéré comme à l'origine d'une crise institutionnelle.

La proposition du président du Conseil européen a rencontré, c'est un euphémisme, peu d'adhésion. Beaucoup d'intervenants ont souligné qu'il ne fallait pas considérer les politiques traditionnelles comme des politiques anciennes. Les Français ne sont pas les seuls à défendre l'idée que la PAC, par exemple, participe à la lutte contre le changement climatique.

Je suis assez frappée par la différence d'approche qu'il peut y avoir entre les pays qui partent des besoins, à la fois pour les politiques traditionnelles et les nouvelles priorités, et qui sont prêts à ce que les budgets nationaux financent davantage le budget européen, et ceux qui font le raisonnement inverse et considèrent que les dépenses doivent s'adapter à l'enveloppe que les États sont prêts à y consacrer. J'ai personnellement insisté sur deux points : alors que la souveraineté européenne est un enjeu majeur, je trouve regrettable que la proposition de compromis du président du Conseil européen réduise les ambitions de la Commission pour la Défense, le numérique ou la PAC. D'autre part, comme notre commission l'avait fait lors de l'examen du rapport de Christophe Jerretie, j'ai insisté sur la nécessité de veiller à la complémentarité entre les budgets nationaux et le budget européen.

D'autres intervenants ont soutenu cette idée en soulignant que, compte tenu de l'ampleur des défis auxquels les pays européens ont à faire face en matière de changement climatique et de numérique, par exemple, la question n'est pas de savoir si nous devons consacrer plus de moyens à ces questions, mais de savoir si nous le faisons au niveau national ou, de manière plus efficiente, au niveau européen.

Beaucoup ont salué la recherche de nouvelles ressources propres pour le budget européen, avec la ressource basée sur les plastiques non recyclés et les échanges de quotas d'émission mais en estimant qu'il ne s'agissait que d'un premier pas. La mise en place de nouvelles ressources propres est nécessaire pour limiter l'augmentation des contributions nationales. À l'heure actuelle, les nouvelles ressources prévues seraient toujours issues des budgets nationaux, soit sous forme de réaffectation à l'Union européenne d'une recette de « quotas carbone » aujourd'hui affectée aux budgets nationaux, soit sous forme d'une modulation des contributions nationales en fonction des taux de recyclage de plastique. Valérie Hayer, co-rapporteure du Parlement européen sur les ressources propres, a en outre souligné à juste titre la contradiction qu'il y avait à accompagner la création d'une de ces ressources propres, la ressource sur les emballages plastiques non recyclés, d'un nouveau mécanisme de correction, alors que de nombreux pays estiment que le Brexit est l'occasion de mettre fin à ce système rabais qui rend le budget illisible.

Sur le rôle des politiques de l'UE dans la lutte contre le changement climatique, le président Sassoli a insisté sur les risques de fragmentation de l'espace européen que l'inaction de l'Union européenne pourrait entraîner et sur la nécessaire complémentarité des programmes européens et nationaux pour que la transition écologique ne soit pas vue comme une punition, mais comme une opportunité de développement économique et d'emploi. Selon le directeur général du Bureau international du travail, si les actions nécessaires sont conduites, le solde de la transition écologique sur l'emploi d'ici 2030 sera très largement positif.

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