Intervention de Sabine Thillaye

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale :

Merci de nous accueillir dans cette belle salle et de poursuivre cette tradition de réunion conjointe.

Le sommet de la semaine dernière a constitué une déception, mais pas une surprise. Les échanges que nous avions eus ces derniers temps avec nos collègues européens nous avaient permis de constater que les positions des uns et des autres étaient malheureusement très éloignées. Chacun restait assez ferme sur ses positions.

Nous avons reçu nos homologues néerlandais à l'Assemblée nationale au mois de janvier. Ils nous avaient clairement expliqué que le budget de l'Union européenne pouvait rétrécir en même temps que l'Union rétrécissait avec le départ du Royaume-Uni. Ce n'est évidemment pas notre perspective, même si nous sommes attentifs à la maîtrise des dépenses publiques.

L'enjeu consiste à veiller à la complémentarité entre les dépenses réalisées au niveau national et les dépenses réalisées au niveau européen. Il faudrait que nous alignions davantage nos budgets nationaux sur les budgets européens. Face aux enjeux du changement climatique et du numérique, la question n'est pas de savoir si nous allons consacrer davantage de moyens à ces sujets ; elle est de savoir si nous allons le faire au niveau national ou au niveau européen.

J'ai participé, la semaine dernière, à une réunion organisée par la commission du budget du Parlement européen dans le cadre de la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l'Union européenne. J'ai été frappée par la différence d'approche qui peut exister entre les pays qui partent des besoins, et qui sont prêts à ce que les budgets nationaux financent davantage le budget européen, et ceux qui considèrent que les dépenses doivent s'adapter à l'enveloppe que les États sont prêts à y consacrer. Ce sont quasiment deux philosophies qui s'affrontent.

J'ai senti l'inquiétude de nos collègues du Parlement européen, qui redoutent d'être considérés comme responsables d'une crise institutionnelle s'ils rejettent un accord trouvé au Conseil européen. Le Conseil et le Parlement donnent parfois l'impression de fonctionner en vase clos, alors qu'ils devraient être complémentaires.

On peut constater un décalage préoccupant entre les discours sur la souveraineté européenne et les évolutions proposées par rapport à la proposition de la Commission européenne sur les politiques directement liées à la souveraineté de l'Union. Le Président Bizet a déjà évoqué la souveraineté alimentaire et la PAC. Pour ma part, je regrette que les budgets liés à l'innovation, à la recherche, à la sécurité et à la défense servent de variables d'ajustement dans les négociations au Conseil. Si l'on compare la proposition qu'a faite Charles Michel au Conseil européen la semaine dernière et la proposition de la Commission, on constate une baisse de 39 % des fonds européens de la défense, de 43 % des fonds alloués à Frontex, de 14 % des fonds alloués à InvestEU, de 17,5 % des fonds alloués au programme pour une Europe numérique et de 20 % des fonds alloués à Erasmus+. Ce n'est pas ainsi que nous renforcerons la souveraineté de l'Union européenne.

Préparer l'avenir, c'est aussi lutter contre le changement climatique. Le pacte vert pour l'Europe témoigne d'une ambition louable. On peut tout de même rester prudent sur les montants d'investissements annoncés, qui mélangent crédits européens, financements nationaux et financements privés. Intervenant la semaine dernière au Parlement européen, Pascal Canfin a parfaitement résumé les trois éléments nécessaires à la crédibilité des objectifs que l'Union se fixe en matière de climat : crédibilité budgétaire, crédibilité industrielle, justice sociale et territoriale.

Le fonds pour une transition juste était une initiative indispensable. Malheureusement, la PAC en fait les frais. Il est nécessaire d'assister les États membres, par exemple la Pologne, qui sont fortement dépendants du charbon. Accompagner les pays qui en ont besoin, ce n'est pas distribuer des subventions à l'aveugle. Il faut mettre en place une logique contractuelle reposant sur des plans locaux précis. Dans le même ordre d'idées, il faut veiller à la bonne utilisation des fonds européens. De ce point de vue, je suis satisfaite que le mécanisme de conditionnalité de l'accès aux fonds au respect de l'État de droit ait été maintenu. Compléter cette conditionnalité par des conditionnalités fiscales et sociales, comme la France le propose, est sans doute extrêmement ambitieux. Toutefois, il ne serait pas illégitime de prendre en compte les politiques non-coopératives dans l'attribution des fonds européens.

Je suis certaine que nous aurons l'occasion de débattre de tous ces sujets. Je remercie le député européen Pierre Larrouturou d'être présent. Nous cherchons toujours le moyen de travailler plus étroitement ensemble.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.