Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du lundi 27 avril 2020 à 10h00
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Les échanges que vous avez prévus avec des membres du Parlement européen sur l'État de droit sont une bonne nouvelle pour l'avènement d'une culture commune telle que la souhaitent plusieurs États membres, dont la France.

L'organisation de la conférence sur l'avenir de l'Europe proposée par le Parlement européen laisse trop de côtés les parlements nationaux. Ils doivent y compter suffisamment de représentants pour permettre des allers-retours entre les citoyens, le Parlement européen et les parlements nationaux.

La relance doit être organisée par grands secteurs d'activité, en poursuivant deux objectifs : assurer l'unité du marché intérieur et son fonctionnement en évitant que les mesures nationales, peut-être légitimes, ne créent trop de différences entre États membres ; assurer notre compétitivité future et notre capacité d'exportation. La Chine et les États-Unis soutiennent massivement certaines de leurs industries et innovations ; nous devons faire de même. La transition écologique tient un rôle central dans notre manière de penser ce redémarrage et de faire fonctionner le marché intérieur.

À l'égard de l'Afrique, les enjeux sont de plusieurs ordres. Du point de vue sanitaire, la protection des populations africaines est essentielle à la santé mondiale, car il sera très difficile d'arrêter la pandémie tant que des foyers actifs de contagion se maintiendront. Du point de vue humanitaire, la pandémie peut aggraver les difficultés des populations réfugiées ou déplacées, très nombreuses sur le continent. Du point de vue de la recherche, il s'agit d'assurer à tous les pays un accès aux traitements et aux vaccins futurs, en adoptant pour le Covid-19 une démarche analogue à celle du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Du point de vue économique, la dégringolade des prix des matières premières est un risque pour la stabilité des pays qui en dépendent, nombreux en Afrique. Le Conseil européen a décidé de consacrer spécifiquement 15 milliards d'euros à la lutte contre le coronavirus en Afrique et au soutien des systèmes sanitaires.

Je m'occupe assidûment de la situation à la frontière avec l'Allemagne, en lien avec les autorités et élus de chacun des deux côtés, afin d'assurer la coordination alors que nos économies se rouvrent progressivement. Il s'agit de permettre à la main d'œuvre de se rendre sur les lieux de travail et aux marchandises de circuler, dans le respect de conditions sanitaires strictes. Le même travail est mené avec mes homologues belges, luxembourgeois, suisse, italien et espagnol.

Nous cherchons à simplifier les procédures d'accès au fonds d'urgence de 37 milliards d'euros ainsi qu'aux fonds régionaux, afin qu'ils soient distribués aussi largement que possible.

La réponse économique de l'Union européenne s'est déployée sous trois formes : des mesures budgétaires exceptionnelles ; un assouplissement des règles sur les aides d'État, qui nous a permis de mettre en œuvre le plan de soutien d'Air France et tous les mécanismes proposés par les régions ou Bpifrance ; l'extension des capacités de garantie et le couplage des subventions et des prêts par la Banque européenne d'investissement et toutes les banques d'investissement publiques. Sans doute faudra-t-il aller plus loin pour couvrir toutes les demandes.

En matière d'État de droit, la France a fait entendre sa voix, mais nous devons respecter pleinement le jeu des institutions européennes. La Commission est garante des traités, et peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne – elle l'a fait à propos de l'organisation judiciaire en Pologne. La France a proposé de signer une déclaration de soutien des États membres à la Commission ; elle a été suivie par dix-neuf pays. La Commission nous fera part de ses observations sur l'instauration de l'état d'urgence et ses mesures d'application, et si des manquements sont relevés, nous y travaillerons. La Commission travaille aussi de plus en plus étroitement avec le Conseil de l'Europe et ses différents organes en matière de surveillance électorale, d'organisation judiciaire et de respect des libertés fondamentales.

La subsidiarité suppose de déterminer, secteur par secteur, les initiatives qui doivent se décider de manière coordonnée, au niveau européen.

La multiplicité des instruments offre la possibilité d'apporter la réponse la plus massive possible à cette crise violente, mais aussi d'orienter les politiques. Le dispositif SURE peut être compris comme une capacité d'emprunt à taux bas, mais c'est aussi une incitation forte pour que chaque pays prenne des mesures de soutien à l'activité partielle.

L'endettement national est nécessaire pour soutenir l'activité partielle et le fonctionnement d'un certain nombre de services publics, qui permettent de limiter l'ampleur de la crise. La relance, quant à elle, passera par des transferts directs, car le niveau d'endettement des pays limitera leur capacité à investir.

Pour déterminer s'il s'agit d'endettement en commun – un transfert – ou d'une dette qui pèsera sur le budget des États – un prêt –, il faut considérer selon quelle clé de répartition l'argent levé sur les marchés financiers sera remboursé. Plus les modalités de remboursement seront fondées sur la solidarité, plus nous nous approcherons d'un transfert.

Le principal rôle de la BCE est de racheter les obligations d'État sur le marché secondaire pour maintenir les écarts de taux d'intérêt entre les pays dans des proportions raisonnables. Des prêts directs aux États pour investir ne sont pas possibles en vertu des traités, et ils ne sont pas nécessaires pour l'instant. Je ne m'exprimerai pas sur l'annulation des dettes détenues par la BCE ; je préfère me concentrer sur son action immédiate.

Les mesures de soutien du secteur agricole vont être validées par le Conseil et le Parlement européens dans les plus brefs délais, avec effet rétroactif au 1er avril. Elles incluront une aide au stockage privé pour les produits laitiers et les viandes, et assoupliront certains programmes sectoriels. Par dérogation au droit de la concurrence, les interprofessions et les organisations de producteurs pourront prendre des décisions concertées pour stabiliser les marchés du lait, des fleurs et des pommes de terre.

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