Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du lundi 27 avril 2020 à 10h00
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Le principe du fonds de relance est acquis ; ce qu'il reste à définir, ce sont les modalités techniques, qui dépendent des choix politiques. Elles seront différentes selon que ce fonds sera intégré ou non au budget européen. Le montant en est déjà arrêté : 540 milliards, pour financer le chômage partiel, le soutien aux PME et l'activation du mécanisme européen de stabilité.

Nous devons maintenant bâtir un fonds de reconstruction. La France souhaite qu'il soit identifié comme tel et qu'il s'élève à 1 000 milliards d'euros environ, remboursables sur quinze ou vingt ans et de manière solidaire entre les États membres quelque montant qu'ait reçu chacun sous forme de transferts. Ce fonds devrait soutenir l'unité du marché intérieur, en partant des besoins sectoriels et en cohérence avec le pacte vert et l'agenda numérique ; il financerait tant le maintien en vie de nos entreprises que les innovations technologiques de nature à assurer notre souveraineté européenne, dans l'esprit, par exemple, du pacte européen pour les batteries.

S'agissant du déconfinement, l'harmonisation entre pays européens n'est ni possible, ni souhaitable, parce que tous n'ont pas été également touchés par le virus ; nous devons nous coordonner pour éviter une deuxième vague. Cela implique de réfléchir aux flux de personnes et de marchandises et à la reprise du trafic aérien. Le calendrier fera l'objet d'une discussion entre les différents ministres de l'intérieur lorsque chaque État aura défini sa propre stratégie de déconfinement. La Commission européenne a proposé des principes directeurs de bon sens : réciprocité des mesures, proximité de la situation sanitaire des pays qui rouvrent leurs frontières, cette réouverture se faisant par étapes.

La crise révèle la nécessité, dans certains domaines vitaux, comme la médecine ou le numérique, de ne pas dépendre de l'extérieur. La nécessité de cette autonomie stratégique a été actée par le Conseil européen, elle devra être suivie de la création d'acteurs publics et du soutien d'acteurs privés, notamment grâce au règlement européen sur la protection des actifs stratégiques, qui vise à limiter les investissements de pays non européens dans certaines entreprises. Désormais, il ne s'agit plus, aux yeux de nos partenaires, d'une lubie protectionniste de la France.

Tous les États européens sont censés garantir les coupons remis par les compagnies aériennes. En cas de faillite de l'une d'elles, il faudrait réévaluer la valeur de ces coupons.

S'agissant du déploiement du fonds de relance en matière de santé, nous avons obtenu que le premier plan de la Commission européenne pour lutter contre la crise, le CRII, soit déployé avec souplesse pour tenir compte de la singularité française, et qu'il bénéficie aux territoires qui en ont le plus besoin. Nous veillons aussi à faire entrer des actions sociales menées par les départements – aide à l'enfance, distribution alimentaire – dans le champ sanitaire.

Pour trouver un compromis au niveau européen, il importe de ne pas passer en force pour que les mécanismes que nous introduisons soient jugés légitimes partout en Europe. Il faut entendre les résistances et expliquer notre action si nous ne voulons pas faire le jeu des populismes.

Le sommet entre l'Union européenne et les pays des Balkans aura bien lieu la semaine prochaine, en visioconférence. Nous souhaitons qu'il débouche sur un vrai plan économique, pour que notre relation avec ces pays ne se limite pas à la seule question juridique de l'élargissement. Le but est de simplifier et de rendre plus cohérents et efficaces la quarantaine de mécanismes de coopération économique, culturelle et universitaire qui existent déjà avec eux.

Nous avons effectivement simplifié le recours aux aides dans le secteur de la pêche. La question du report des quotas se posera quand nous rouvrirons les activités de pêche. Le virus n'a pas arrêté les négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne au sujet du Brexit, et Michel Barnier a tenu la semaine dernière une nouvelle session de négociations. La crise n'a pas changé les priorités européennes : la gouvernance, la garantie d'une concurrence loyale, la conclusion d'un accord commercial complet et un accord sur la pêche. Ces quatre questions sont interdépendantes ; nous ne signerons pas d'accord commercial si nous n'avons pas d'accord sur la pêche.

Le Royaume-Uni a jusqu'au 30 juin pour demander l'allongement de la période de négociations. La France n'y verrait aucun inconvénient si cela permet d'aboutir à un bon accord. Je veux vous assurer de l'unité des Vingt-sept sur cette question. Il faut trouver une manière commune de gérer cet espace et la ressource, d'un point de vue à la fois économique et environnemental, les deux aspects étant inséparables. La France tient à la cohérence du cadre de négociations et de l'accord final.

S'il y a un domaine où la souveraineté et l'autonomie stratégiques s'imposent, c'est bien la défense. Le fonds européen de défense est toujours une priorité et la Commission européenne n'entend pas sacrifier ce secteur essentiel qui crée des emplois et de l'innovation, et qui nous permet de nous imposer comme une puissance dans le monde.

Il faut que la relance se fonde sur les besoins d'innovation et de compétitivité, secteur par secteur. Nous avons trouvé un accord européen sur le principe d'un fonds de relance, et c'est essentiel, mais celui-ci ne pouvait pas sortir du chapeau en quelques jours : il faut prendre le temps de réfléchir aux réorientations qui s'imposent et aux priorités que nous voulons mettre en avant.

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