Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 29 avril 2020 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Il est pénible pour un responsable politique d'être confronté à une situation qui ne comporte pas de solution opérationnelle concevable à court terme. Je partage le pessimisme de Frédérique Dumas ; nous sommes vraiment désarmés.

Premièrement, l'article 7 est extrêmement difficile à appliquer. Il suffit que deux États membres soient d'accord pour se protéger mutuellement. Or ils sont plus nombreux à être décidés à ce que l'on n'inquiète pas des États qui enfreindraient la règle.

Deuxièmement, dans l'Union européenne, tout fonctionne, plus qu'on ne le dit, à l'unanimité. Un État membre est en mesure de bloquer tout le système. J'ai ainsi été toujours un peu inquiet de l'irréalisme de la proposition visant à introduire une conditionnalité liée au respect de l'État de droit dans le cadre financier pluriannuel (CFP). Le cadre financier pluriannuel étant adopté à l'unanimité, les États ont besoin les uns des autres. La Pologne, la Hongrie ou d'autres États ont une entière capacité de blocage. Or nous ne voulons pas que le système soit bloqué, nous avons par conséquent tendance à nous engager dans des processus de négociation.

C'est très grave, parce que quand on regarde l'histoire de l'Union européenne, on s'aperçoit que la fondation de la première communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), dont sont issues toutes les autres, reposait sur deux principes : le rassemblement d'États démocratiques et libéraux, d'une part, et l'acceptation de mécanismes de décision communs d'autre part. Aussitôt s'en sont trouvés exclus au titre du premier point les États du bloc oriental contrôlé par Staline, l'Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, la Grèce des colonels, la Yougoslavie, etc. et, au titre du second point, le Royaume-Uni qui n'acceptait pas des règles supranationales.

Depuis, ces principes ont toujours été maintenus. Les critères de Copenhague sur l'élargissement mettent ainsi au cœur du processus d'adhésion l'acceptation des règles démocratiques, du respect du droit et des droits fondamentaux matérialisés par la Charte.

La contradiction entre notre impuissance à faire respecter ces exigences et le caractère fondateur du respect du droit met profondément mal à l'aise. Je n'ai pas de solution. Je crois que les États membres ne vont pas faire grand-chose. Peut-être devons-nous, comme l'a suggéré Frédérique Dumas, travailler à court terme à approfondir nos relations inter‑partisanes au Parlement européen ou dans les parlements nationaux pour faire évoluer les choses. On a bien vu que le Parti populaire européen (PPE) ne s'était pas associé à l'attitude de M. Orban bien qu'il en soit membre ; le gouvernement polonais est quant à lui extérieur au PPE.

Il faut construire patiemment un consensus précis, visant à définir ce que nous acceptons et ce que nous n'acceptons pas, en étant conscients que, lorsque nous proposons des sanctions, ceux qui défendent les libertés dans ces pays, notamment en Pologne, disent que nous les transformons en victimes et que cette victimisation renforce le pouvoir. Nous ne pouvons pas avancer rapidement en ce domaine, mais nous pouvons peut-être essayer de bâtir un vrai consensus sur des valeurs fondatrices de l'Union européenne et dont le mépris est corrupteur de la nature même du projet.

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