Intervention de Pascal Canfin

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 9h30
Commission des affaires européennes

Pascal Canfin, Président de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen :

Coordonner nos actions aux niveaux français et européen est essentiel. Des batailles politiques structurantes se jouent.

L'Europe a sur le plan sanitaire des compétences de coordination, d'information et de tentative de mise en cohérence des réponses des États membres. Les stratégies de déconfinement, comme celles de confinement, varieront d'un pays à l'autre. L'Europe tente de les harmoniser, suivant des principes directeurs émis par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et censés être suivis par les États. En réalité, ces derniers prennent leurs décisions en fonction de leurs contextes nationaux, puis en informent Bruxelles.

Malgré mes efforts, il n'existe pas de cadre commun pour la comptabilisation des morts du covid-19. La Belgique présente une mortalité record rapportée au nombre d'habitants en raison d'une comptabilisation particulière en maisons de retraite. Le taux de mortalité allemand, très bas, s'explique par l'absence de test post-mortem permettant d'identifier le covid-19 comme cause du décès.

La Commission européenne doit présenter le 20 mai une proposition relative au recovery fund souhaité par la France et d'autres. Le montant de ce fonds, qui serait levé par la Commission européenne en un à deux ans sur les marchés, se situerait entre 1 000 et 1 500 milliards d'euros et serait garanti par l'écart entre le plafond de ressources et le plafond de dépenses du budget européen – donc par les États. Cette somme devrait être dépensée en trois à cinq ans. Cette décision sera prise une fois un accord politique trouvé entre chefs d'État.

La Commission européenne souhaite que l'utilisation de cette somme soit cohérente avec le Green Deal. Les avis divergent, notamment au Conseil européen. Le travail s'articule autour de trois sujets : savoir ce que l'on finance, à quelle hauteur, et pour quelles actions compatibles avec le Green Deal – isolation des bâtiments, voitures électriques – ; savoir ce que l'on ne finance pas, en vertu du principe transversal « ne pas nuire », l'essentiel étant que la relance européenne ne nuise pas à l'enjeu climatique ; élaborer un calendrier réglementaire rassemblant tous les textes que la Commission européenne s'engage à présenter au Parlement européen et au Conseil en 2020.

Nous saurons le 20 mai si le Green Deal est repoussé. Toutes les informations montrent que la Commission européenne n'a pas cette intention.

À la même date, seront également présentées la stratégie de biodiversité et la stratégie « De la fourche à la fourchette ». La première comprendra des objectifs contraignants concernant la restauration des sols, le développement de l'agriculture biologique et la réduction des pesticides. La France bataille en faveur de l'instauration d'un objectif européen ; ce sera clarifié le 20 mai.

L'architecture française de la relance et des aides d'État doit le plus possible s'intégrer au cadre européen, et ce dernier doit être le plus conforme possible aux ambitions et aux réalisations françaises. C'est notre objectif. La France a attaché au soutien financier des exigences de transformation écologique. Le plan de transformation et de transition écologique d'Air France sert d'ailleurs de modèle à l'échelon européen.

Le 9 mai, l'élargissement des exceptions possibles à l'interdiction européenne des aides d'État aux entreprises a été prolongé pour deux ans, moyennant le respect de certains principes. Les grandes entreprises aidées par les États membres doivent rédiger un rapport annuel décrivant les modalités d'alignement de leurs activités avec l'objectif de neutralité climatique fixé en 2050, c'est-à-dire avec l'Accord de Paris. Aucune sanction n'est adossée au non-respect de cette obligation, mais la décision d'un État membre de retirer son soutien financier à une entreprise en raison d'un alignement insuffisant sur l'objectif de neutralité carbone ferait de toute façon débat. Cette question se joue moins dans les tribunaux que dans la capacité à exercer une pression politique et sociétale sur les entreprises.

L'Allemagne est réticente à l'idée de suivre le modèle d'Air France pour Lufthansa. Même en l'absence de décision du gouvernement, la compagnie sera tenue de se transformer à l'aune du cadre européen.

En France, il faudrait débloquer 25 milliards d'euros d'argent public – subventions, prêts garantis, etc. – sur deux ans pour une relance verte, afin de générer 60 milliards d'euros d'investissements verts dans l'économie et d'élaborer une trajectoire inédite d'investissement sur l'Accord de Paris. Cette bataille est devant nous.

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