Le Digital Services Act porte sur quatre thématiques principales dont l'actualisation des règles applicables entre hébergeur passif et actif et le renforcement du marché unique numérique pour éviter la fragmentation. Mais de nouvelles problématiques de ce marché sont actuellement réglées au niveau national, comme la lutte contre la haine en ligne ou la régulation de l'économie collaborative – la Commission avait d'ailleurs appelé la France à attendre pour légiférer sur le sujet. Le projet de texte ne propose pas de faire entrer les contenus haineux dans le champ de la régulation. Ne pensez‑vous pas qu'il serait plus pertinent de travailler sur les racines du mal, c'est-à-dire les modèles économiques basés sur l'économie de l'attention et de la viralité, la transparence dans l'utilisation des données personnelles, la finalité des algorithmes et l'interopérabilité, plutôt que de tenter de limiter les pouvoirs de retrait exorbitants des plateformes ?
Vous êtes assez ferme au sujet du droit de la concurrence et du marché unique, dont vous devez garantir qu'il fonctionne selon une concurrence libre, loyale et non faussée. Des mesures d'aménagement des règles de concurrence sont nécessaires à cause de la crise, mais elles peuvent aussi être utilisées pour fausser cette concurrence loyale à l'intérieur de l'Europe. Le chemin proposé ne constituera-t-il pas un recul trop significatif des dispositifs anti‑concentration, comme le souhaitent ceux qui veulent créer des champions nationaux, dont nous avons certes besoin, mais qui ne doivent pas se constituer au détriment des consommateurs et des citoyens ? Concernant les géants du numérique, ne devons-nous pas nous pencher sur des règles qui limiteraient aussi les concentrations verticales ? Même les Américains des deux bords y réfléchissent. On en parle, mais il n'y a pas vraiment de position très concrète en la matière au niveau européen.
Où en êtes-vous dans le dossier de l'éventuelle fusion PSA-Fiat ? Ce serait la branche des utilitaires qui bloquerait. Enfin, que pensez-vous de la proposition de taxe sur le chiffre d'affaires des services numériques, cette taxe étant entièrement répercutée par les plateformes sur les consommateurs ou les acteurs nationaux, ce qui pénalise les opérateurs vertueux européens qui payent l'impôt et contribue donc à renforcer la concurrence déloyale ? Les sites seloger.com, leboncoin.fr ou amadeus.com au niveau européen paient ainsi chacun plus d'impôts que tous les géants du numérique réunis !
Ne pensez-vous pas que tout doit être mis en œuvre pour trouver un accord au niveau de l'OCDE ? Une taxe au niveau de l'Union européenne serait la pire des décisions, sans parler des dommages collatéraux dont feront partie les mesures de rétorsion que les États-Unis sont en mesure d'adopter comme ils l'ont fait vis-à-vis de la France, qui a dû suspendre sa propre taxe.