Notre rapport montre le chemin et ce chemin est le pragmatisme. Je pense qu'il n'est plus possible d'en rester au seul message politique. Si ce dernier n'est pas suivi d'effet, il y aura un véritable problème.
Contrairement à l'image que l'on s'en fait, les Pays-Bas sont ouverts à l'idée de réduire les possibilités d'optimisation fiscale agressive. Je rappelle qu'ils sont partis à la convention BEPS. Toutefois, parce que c'est un pays relativement peu peuplé, comme d'ailleurs l'Irlande ou la Hongrie, il ne peut se reposer sur une base taxable faite uniquement de consommateurs. Ces pays doivent attirer la base taxable par des avantages auxquels ils sont très attachés.
S'agissant du plan de relance, les discussions portent sur le lien avec les recommandations spécifiques par pays faites dans le cadre du semestre européen. C'est une exigence des quatre pays mais ce qu'on oublie souvent, c'est qu'eux aussi font l'objet de recommandations. La conditionnalité ne se limite pas, comme pouvait le penser André Chassaigne, à la seule austérité. Elle peut porter également sur l'État de droit ou, pour ce qui concerne les Pays-Bas par exemple, la dette privée. Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, il faut souligner que dans les recommandations de la Commission figure également la lutte contre la planification fiscale agressive, les Pays-Bas, la Hongrie, le Luxembourg, l'Irlande, Malte ou Chypre étant explicitement visés. Dans les recommandations spécifiques aux Pays-Bas, il leur est demandé de corriger les particularités de leur système fiscal qui facilitent la planification fiscale agressive. Cela fait partie des réformes structurelles.
La question du droit de l'Union européenne à lever l'impôt fait l'objet de blocages très forts. Lever cet obstacle exige un travail technique afin de renforcer l'efficacité et la responsabilité des impositions, par exemple en fléchant les recettes vers certaines dépenses. En d'autres termes, il faut connecter les ressources propres aux objectifs poursuivis.
La taxe GAFA illustre ce que je disais s'agissant des réponses politiques qui n'ont pas d'efficacité technique, économique ou sociale parce que l'objectif poursuivi n'a rien à voir avec les moyens qui sont mis en œuvre. S'agissant de cette taxe en particulier, elle a été présentée, après la crise des Gilets Jaunes, comme un moyen de réduire les distorsions de concurrence en faisant payer des impôts en France à des entreprises qui n'en payaient pas, ni en France, ni ailleurs. Or, assise sur le chiffre d'affaires, elle frappe des entreprises américaines qui désormais paient des impôts non négligeables aux États-Unis mais également des entreprises françaises du numérique, comme Amadeus. Cette taxe étant répercutée sur les consommateurs et les Américains demandant son remboursement, il est à craindre qu'elle soit payée deux fois, par le consommateur et par le contribuable. Enfin, elle est devenue un instrument de chantage entre les mains des Américains qui vont utiliser ce prétexte pour imposer des droits de douane très supérieurs à son montant aux produits français et européens.