Je vous remercie, Mme la présidente, notamment d'avoir fait en sorte que je puisse m'exprimer en polonais, ce qui sera plus aisé pour moi et nous permettra de communiquer dans de meilleures conditions.
En effet, ce moment est très particulier. C'est la deuxième occasion qui m'est offerte de rencontrer des membres du Parlement français puisque je me suis rendu il y a quelques semaines au Sénat afin de rencontrer les membres de sa commission des affaires européennes. Je me réjouis de constater que nos institutions nourrissent un véritable dialogue.
La France est évidemment un État membre extrêmement important, notamment pour ce qui concerne le domaine de l'agriculture. Il s'agit du pays qui détient le plus important potentiel agricole de l'ensemble de l'Union européenne. Bien qu'elle compte uniquement 5 % des agriculteurs européens, la France produit près d'un cinquième des produits agricoles et elle est leader dans la plupart des produits agricoles. De plus, l'agriculture française recouvre presque toutes les filières, à savoir la culture, l'élevage, les fruits, les légumes, le vin, etc. In fine, les problèmes que rencontre l'agriculture française recouvrent l'ensemble des difficultés de l'agriculture européenne. C'est pourquoi je tiens à vous exprimer ma reconnaissance pour avoir organisé cette réunion.
Cette reconnaissance, je l'adresse également à nos agriculteurs puisque nous traversons une période de crise. Comme la France, nous avons tous été frappés par la pandémie de Covid-19. Nos agriculteurs se sont montrés à la hauteur de la situation de crise et ils ont permis de garantir la sécurité alimentaire de l'ensemble de l'Europe. À aucun moment, nous n'avons été confrontés à des difficultés d'approvisionnement en denrées alimentaires. Nous avons rencontré des difficultés, certes, mais nous n'avons jamais déploré de pénuries. D'ailleurs, malgré la crise et grâce au travail de nos agriculteurs, les exportations des produits alimentaires depuis l'Union européenne ont augmenté. Cela constitue un véritable succès de notre agriculture. Il nous appartient dorénavant de garantir ce niveau d'exportation à l'avenir.
Dans ce cadre, je tiens à adresser nos remerciements au Parlement français, et notamment à votre commission, Mme la présidente, parce que vous nous rappelez sans cesse à quel point vous soutenez la PAC. Vous êtes une source d'inspiration qui nous permet de toujours redoubler d'efforts de sorte à définir les budgets les plus précis possible.
Au mois de mai dernier, la Commission européenne avait avancé des propositions afin d'augmenter largement le budget de la PAC. Cette augmentation a été confirmée lors du Conseil européen du 21 juillet, qui a néanmoins apporté quelques modifications. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'étais quelque peu préoccupé. En effet, la Commission précédente avait proposé pour la PAC un budget de 365 milliards d'euros, accusant ainsi une très forte diminution par rapport au budget alloué lors de l'exercice précédent. Je m'étais engagé à faire en sorte que ce budget ne soit pas revu à la baisse, mais au contraire augmenté. C'est effectivement ce qui a fini par advenir, puisque le budget dépasse les 390 milliards d'euros et je pense que la France en bénéficiera largement. En effet, les négociations qui se sont déroulées au sein du Conseil européen ont conduit à une augmentation de 4 milliards d'euros du budget destiné à la France par rapport à la première proposition, en date de 2018 (66,223 milliards d'euros contre 62 milliards d'euros). Les agriculteurs français pourront donc s'appuyer sur un budget largement revu à la hausse et relever des défis importants liés aux questions de la politique agricole commune, notamment dans le cadre du « Pacte vert » européen.
Nous affrontons donc une situation de crise. La Commission a redoublé d'efforts afin de trouver des solutions rapides, notamment pour ce qui concerne les travailleurs saisonniers. Ces derniers ont été confrontés à des difficultés lorsque les conditions de circulation ont été restreintes en raison de la fermeture des frontières. Pourtant, la demande était prégnante. La Commission a réagi très rapidement afin de s'assurer qu'une réponse serait apportée à cette demande et les saisonniers ont finalement été considérés comme des travailleurs essentiels puisqu'il s'agit d'un secteur extrêmement sensible pour nos économies.
La fermeture des frontières a également engendré des difficultés de circulation des marchandises. La Commission s'est assurée de la mise en place de « corridors verts » qui permettaient la circulation des marchandises agricoles et des denrées alimentaires.
Nous sommes également intervenus sur les différents marchés de la viande, des fruits et légumes, etc., et nous nous sommes attachés à préserver au maximum le secteur viticole. Ces secteurs sont primordiaux pour la France, en particulier celui du vin. La Commission a mis en place un certain nombre de mesures qui, certes, n'ont pas contenté tout le monde, mais il me semble tout de même que les agriculteurs en ont été satisfaits, car elles ont largement contribué à améliorer la situation de nombreuses filières agricoles.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Des réflexions relatives à l'avenir de la PAC sont en cours. Nous travaillerons sur les plans nationaux. Nous réfléchirons aux éléments concrets de la réforme. Nous travaillons en totale collaboration avec les présidences de l'Union européenne.
En outre, le « Pacte vert » européen joue un rôle essentiel dans la garantie que l'agriculture européenne résistera à l'épreuve du temps, répondra aux défis environnementaux et protégera les sols. L'agriculture européenne doit s'assurer un développement plus durable. Je suis persuadé que seule une agriculture durable nous permettra de garantir la sécurité alimentaire des générations à venir. Certains tentent de nous convaincre que le « Pacte vert » va à l'encontre des intérêts des agriculteurs. Ce n'est absolument pas le cas car, à long terme, ce dispositif renforcera le secteur agricole.
Il est essentiel d'observer l'évolution de la situation. Je pense que les deux stratégies liées au « Pacte vert », la stratégie « de la ferme à la table » et la stratégie sur la biodiversité contiennent des éléments de garantie d'un véritable suivi de l'incidence des mesures prises non seulement sur la sécurité alimentaire, notre priorité absolue, mais également sur les revenus des exploitants. La garantie de ces revenus est capitale, car si les exploitants ne peuvent plus suivre, l'agriculture mourra. Il est essentiel que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail. Ils exercent un métier qui est une véritable mission pour le reste de la société et ils doivent pouvoir l'assumer dignement.
Je suis optimiste quant à l'émergence d'un accord relatif au nouveau format de la PAC. Des questions demeurent, notamment liées aux programmes environnementaux et aux paiements directs. Est-ce qu'ils seront contraignants ? Est-il nécessaire de prévoir des provisions ou bien les décisions reviennent-elles aux États membres ? Nous réfléchissons aux décisions à prendre et à des programmes écologiques spécifiques. Le Parlement européen n'est pas tout à fait favorable à laisser toute liberté aux États membres et il préférerait que la Commission élabore et déploie des programmes écologiques types.
S'agissant du bien-être animal, je me suis en effet déjà engagé dans ce domaine. Je me suis intéressé à ces questions dans les fonctions que j'ai occupées à la Cour des comptes européenne et au Parlement européen. Je me réjouis d'avoir la possibilité de les faire évoluer dans ma fonction à la Commission européenne. Il me semble essentiel d'inciter les agriculteurs à respecter des normes plus strictes en matière de bien-être animal, grâce à des aides financières. La PAC préconise déjà certaines mesures, mais elles sont encore limitées. Dans le cadre de la coopération avec les États membres, je m'attacherai à les inciter à promouvoir ces questions et à se saisir des instruments mis à leur disposition que certains n'utilisent pas encore. Il est essentiel que chaque pays s'engage sur la question du bien-être animal et récompense les agriculteurs qui œuvrent en ce sens, sur la base du volontariat. Il est possible, par exemple, de limiter le nombre de têtes de bétail afin de garantir suffisamment d'espace à chaque animal ou encore d'avoir recours à une plus grande quantité de foin pour nourrir les élevages. Le bien-être animal ne constitue pas toujours une préoccupation majeure, notamment dans le domaine de l'élevage industriel. Je pense qu'il est essentiel de promouvoir les agriculteurs qui travaillent dans ce sens. Je suis favorable à l'ensemble de ces idées qui apparaissent d'ailleurs dans la stratégie « de la ferme à la table ». Il serait peut-être nécessaire de créer un label qui garantirait que les animaux auraient été élevés, transportés et abattus dans des conditions favorables à un maximum de bien-être. Ce label constituerait un message positif adressé aux consommateurs dont nous constatons qu'ils sont de plus en plus nombreux à être sensibles à ces questions. Certes, les consommateurs souhaitent se nourrir, mais ils désirent également connaître la provenance des aliments qu'ils consomment, les conditions dans lesquelles ils ont été produits, etc. Ce constat est encore plus prégnant pour ce qui concerne la viande. Il est essentiel de faire progresser la situation afin de promouvoir notre élevage et de le rendre plus compétitif davantage en raison de sa qualité que de sa quantité. D'ailleurs, je pense que si nous souhaitions miser sur une production de masse ou sur une production intensive, nous ne serions pas compétitifs. En revanche, le respect de normes sanitaires, environnementales et climatiques plus drastiques que dans d'autres pays constituerait un véritable atout.
Ce sont donc les actions que la Commission souhaite mener et l'action que je souhaite personnellement mener en son sein.