Intervention de Janusz Wojciechowski

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 11h05
Commission des affaires européennes

Janusz Wojciechowski, Commissaire européen chargé de l'agriculture :

Je pense que je n'ai pas répondu précisément à la question relative à l'abattage - avec ou sans étourdissement - et je souhaite y revenir, car il s'agit d'un sujet important. Un débat politique houleux se déroule actuellement à ce sujet en Pologne. L'abattage sans étourdissement a fait l'objet de mesures d'interdiction qui exemptent certaines communautés religieuses particulières. Le règlement européen de 1999 révisé en 2009 prévoit un recours systématique à l'étourdissement, sauf exceptions prévues dans le cadre de pratiques religieuses et qui font l'objet de dérogations délimitées. Aucune dérogation n'est justifiée dans le cadre d'exportations par exemple. Pour autant, les pratiques sont variables en fonction des États ; un rapport de la Cour des comptes en atteste. Il serait souhaitable d'approfondir et de régulariser cette question. Par ailleurs, ce sujet concerne également des aspects sanitaires. La stratégie « de la ferme à la table », prévoit de revoir la législation relative au bien-être animal et je suis convaincu que ce sujet sera abordé dans le cadre de la révision de la PAC.

Comment faire en sorte que les petites exploitations atteignent les objectifs ? De nombreuses actions peuvent être entreprises, mais elles sont subordonnées à la situation dans chaque État membre. Quels problèmes peuvent éventuellement être rencontrés ? Par exemple, un élevage de porcs pourrait être frappé par la peste porcine africaine. Ce serait une véritable épreuve pour une exploitation familiale et il conviendrait de la soutenir de sorte que l'exploitant ne renonce pas à son élevage. L'idée reçue selon laquelle les grandes exploitations résistent mieux aux épidémies est erronée et les statistiques le démontrent. En effet, les risques sont beaucoup plus élevés dans les exploitations de taille considérable. La bonne stratégie consiste donc à soutenir les petites exploitations de sorte qu'elles puissent se protéger de la propagation des maladies et maintenir leurs élevages.

Je conviens que la perspective européenne a tendance à généraliser les situations alors que, souvent, les pratiques sont très différentes d'un État à un autre. Les exploitations sont structurées différemment. Les États n'accusent pas tous le même niveau d'émissions et la question sera d'ailleurs soulevée dans le cadre du « Pacte vert » européen. Le recours aux intrants, l'utilisation de produits de protection des plantes, etc. sont autant de variables d'un État membre à l'autre. C'est pourquoi il me semble essentiel de bien connaître l'objectif que l'on veut atteindre. L'objectif de la Commission consiste à suivre l'évolution de la situation individuelle des différents États membres afin de prévoir des mesures ciblées. Nous initierons des échanges avec les États membres au cours desquels nous exposerons les problématiques identifiées au niveau européen et nous vérifierons si elles se posent dans chaque État membre (problèmes de densité, de pollution, de recours excessif aux antibiotiques ou aux produits phytosanitaires, etc.). Nous souhaitons mettre en œuvre une approche beaucoup plus individualisée. S'agissant de la France, les indicateurs se situent toujours dans la moyenne. Les agriculteurs français sont rarement en tête ou queue de file pour ce qui concerne les différentes problématiques que j'ai évoquées. Je ne m'attends pas à des discussions particulièrement difficiles avec la France.

Nous sommes favorables à la production de protéagineux en Europe, mais notre soutien dépendra de la situation dans les différents États membres. Comme je l'ai évoqué précédemment, certains pays membres produisent dix fois plus de porcs qu'en demande le marché national. Si l'on souhaite maintenir ce type d'exploitations, les échanges commerciaux avec l'extérieur sont indispensables. Au-delà, selon chaque situation individuelle, il sera possible par exemple d'accorder des subventions supplémentaires aux éleveurs qui ont recours à leurs propres aliments, ne les importent pas de pays lointains, n'ont pas de coûts de transports, ne génèrent pas d'empreinte environnementale et climatique et réduisent la distance entre le champ et l'assiette.

S'agissant de l'agriculture biologique, notre objectif consiste à atteindre les 25 % des surfaces agricoles utilisées pour cette forme d'agriculture d'ici 2030. Cet objectif est ambitieux puisque la part réservée à l'agriculture biologique s'élève actuellement à 8 % des terres, voire 2 ou 3 % dans certains pays. Il sera nécessaire de redoubler d'efforts et j'y travaille ardemment avec mes équipes. Nous pourrions éventuellement proposer d'intégrer au premier pilier une aide aux exploitations biologiques qui prendrait en compte un élément qui pourrait s'intituler « traitement biologique de la terre » ou « pratiques biologiques ». On s'inscrirait alors dans un programme écologique. Les terres ainsi traitées ne produiraient pas obligatoirement des produits biologiques, mais leur traitement s'inscrirait dans des pratiques plus vertes. Ces agriculteurs auraient accès à davantage de subventions et bénéficieraient d'une ligne budgétaire supplémentaire.

Vous m'avez interpellé quant à un risque de renationalisation. Il est nécessaire que les plans soient élaborés au niveau national, car comme je vous l'ai indiqué, les situations diffèrent énormément d'un pays à l'autre. Il n'est pas possible de construire un plan européen centralisé lorsque dans certains pays, la surface moyenne des exploitations atteint 130 hectares et que dans d'autres, la surface moyenne est de 3 hectares. Nous devons également tenir compte des questions socioéconomiques. L'Union européenne présente une grande diversité et il nous appartient de nous adapter à la situation de chaque pays. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas inquiet, car je ne pense pas qu'il faille craindre une renationalisation ou une entrave à la concurrence. En effet, je suis convaincu que les mesures que nous mettrons en place – stratégie « de la ferme à la table », « Pacte vert », etc. - garantiront l'équité. J'y serai particulièrement attentif parce que je ne souhaite pas que les conditions diffèrent au sein de l'Union européenne. Il importe que les pays se situent sur un pied d'égalité en matière de concurrence.

S'agissant de POSEI, les décisions relèvent du Conseil. Pour autant, à titre personnel, je m'efforce de rappeler la nécessité de soutenir ces régions dès que l'occasion m'en est offerte.

La problématique des néonicotinoïdes relève de la responsabilité du commissaire chargé des questions de santé et je ne souhaite pas empiéter sur son domaine. Il s'agit d'un sujet sanitaire qui nécessite de s'appuyer sur des éléments scientifiques probants, issus de la recherche. Chaque décision doit être étayée scientifiquement. Certes, l'incidence sur le domaine agricole est prégnante, mais nous ne pouvons pas pour autant partir du principe que l'intérêt économique des agriculteurs est supérieur à celui de la santé des consommateurs. La santé est prioritaire.

La question du plafonnement ou de la diminution des paiements directs s'avère extrêmement complexe. La Commission souhaiterait prévoir des réductions à partir de 60 000 euros et 100 000 euros au maximum. Les paiements seraient donc limités à 100 000 euros par exploitation et il faudrait ensuite tenir compte du coût lié au travail qui augmenterait la valeur absolue de ces chiffres. Cependant, nous rencontrons des oppositions claires d'États membres qui estiment que, dans ces conditions, certaines de leurs exploitations seraient lésées. Le Conseil a tranché la question et décidé de maintenir une base volontaire. La Commission et moi-même aurions préféré une harmonisation européenne afin que les plafonds ne soient pas dépassés.

Le Brexit et ses conséquences sur les agriculteurs constituent un sujet de préoccupation. Le Royaume-Uni représente un marché important et si nous rencontrons des difficultés pour y accéder, les agriculteurs européens en pâtiront. M. Michel Barnier, votre compatriote, est chargé des négociations qui se déroulent dans ce cadre. Je lui accorde toute ma confiance. Nous maintenons des contacts réguliers afin de nous assurer que les droits de nos agriculteurs seront garantis. L'issue dépend des deux parties en présence dans ces négociations. Pour ma part, j'espère que le Brexit n'entraînera pas de secousses trop importantes pour le secteur agricole.

Cependant, je pense que la situation liée au Brexit et les risques qu'elle induit doivent nous conduire à tirer des enseignements et à favoriser encore davantage les marchés locaux. Des produits alimentaires de bonne qualité, qui respectent les meilleures normes, nous garantissent une sécurité sanitaire et nous détenons en la matière le leadership mondial. Les études le démontrent. Il importe donc de faire en sorte que nos produits, qui affichent la meilleure qualité mondiale, arrivent dans les assiettes des consommateurs européens et que nous exportions uniquement les excédents. Le consommateur européen doit constituer notre priorité. Ainsi, nous ouvrions la voie vers l'avenir et le Brexit le démontre très bien. Ce constat doit se traduire dans les différents plans stratégiques. Les discussions s'annoncent longues, mais nous avons le temps de construire correctement l'avenir et de nous assurer que les instruments adoptés nous permettent de répondre non seulement aux attentes des agriculteurs des États membres, mais également de leurs consommateurs.

Les plans stratégiques constitueront l'élément clé de la nouvelle réforme de la PAC. Il importe de les préparer correctement et de veiller à leur bonne mise en œuvre. Nous élaborons des recommandations à l'attention des États membres. La Commission émettra des suggestions, donnera son point de vue, de sorte à conseiller les États membres dans la construction de leurs plans stratégiques, mais elle n'exercera aucune contrainte. Lorsque les plans stratégiques auront été adoptés, ils constitueront une base pour l'octroi de fonds en fonction des objectifs fixés. Cette étape sera juridiquement plus contraignante.

L'inscription des biocarburants dans les plans stratégiques agricoles constitue un des objectifs climatiques majeurs. Il s'agit également d'un enjeu pour nos économies afin de limiter les émissions nocives.

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