Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du mardi 6 octobre 2020 à 18h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, co-rapporteur :

La lutte contre le réchauffement climatique est une priorité nationale et européenne, mais on ne peut pas l'extraire du contexte international que nous connaissons tous grâce aux conférences des parties (COP).

L'Union européenne représente environ 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Lorsqu'elle est leader et s'efforce de montrer la voie, comme elle l'a fait à de nombreuses reprises, c'est très bien, mais n'oublions jamais les 90 % restants. Quand on regarde les chiffres des derniers rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et ceux produits dans le cadre de la préparation de la COP 26 – qui n'aura malheureusement pas lieu au mois de novembre prochain en Écosse, à cause de la pandémie de covid-19 –, on s'interroge et on s'inquiète, car les tergiversations autour de l'Accord de Paris demeurent. Nous savons que les États-Unis en sont sortis et que certains pays se posent encore des questions.

On sait ainsi que l'objectif de limiter la hausse des températures à l,5 degré, voire 2 degrés, est absolument intenable. Il ressort des dernières auditions réalisées par la commission des affaires étrangères sur les négociations sur le climat que nous sommes plutôt sur la trajectoire d'une augmentation de 3,5 à 4 degrés. L'effort de l'Union européenne est, certes, très important, mais on ne doit pas le disjoindre de celui qui doit être produit au niveau international. À ce propos, j'appelle votre attention sur le fait que l'Accord de Paris de 2015 avait prévu que les États devaient revoir leur feuille de route, désignée sous l'acronyme anglais INDC (intended nationally determined contribution), afin de rehausser leurs ambitions et de suivre cette fameuse trajectoire. Malheureusement, nous avons perdu une année puisque, comme je le disais à l'instant, la COP 26 est reportée au mois de novembre de l'année prochaine.

J'en viens à la loi européenne sur le climat. Encore une fois, l'Union européenne a été leader en la matière. Le premier paquet législatif, qui date de 2008, avait fixé la règle des « 3x20 », soit l'obligation faite, à l'horizon 2020, aux États membres de réduire de 20 % leurs émissions de CO2, d'améliorer de 20 % leur efficacité énergétique et de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans leur mix énergétique. Ce paquet législatif a ensuite été révisé en 2014 puis en 2018. Le chemin est donc, depuis 2008, pavé de bonnes intentions et d'actions fortes.

Je rappelle que la Commission, les États et le Parlement européen contribuent à ces travaux. Ainsi, le 4 mars dernier, la Commission a déposé un texte qui est la clé de voûte de l'ambition de sa nouvelle présidente, Mme Ursula von der Leyen, laquelle a affirmé, dès son élection, que la transition énergétique serait au cœur de ses préoccupations et pèserait environ 30 % du budget de l'Union européenne, budget qui s'élève, pour la période 2021-2027, à 1 100 milliards d'euros, le plan de relance s'établissant quant à lui à 750 milliards.

Les ambitions de la Commission reposent sur trois piliers.

Premier pilier : la diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Cette question a fait l'objet d'un débat au sein de la commission de l'environnement du Parlement européen, la rapporteure du texte, qui est suédoise, souhaitant fixer la barre à 65 %. En définitive, la commission a tranché, à une faible majorité d'ailleurs, en faveur d'un taux de 60 %, la Commission européenne se prononçant, quant à elle, pour l'objectif de 55 %, qui est celui qui figure dans le texte. Toutefois, les chiffres de l'Agence européenne pour l'environnement et du Haut Conseil pour le climat montrent que nous sommes plutôt aux alentours de 36 à 40 % ; nous sommes donc en train de rater la cible. Je citerai un chiffre intéressant, à ce propos. Entre 1990 et 2017, les efforts consentis par les États membres ont permis une réduction moyenne des émissions de CO2 de 46 millions de tonnes par an, sachant qu'elle a atteint 73 millions de tonnes entre 2005 et 2017. Or, pour atteindre ne serait-ce qu'une réduction de 40 %, les États membres devraient parvenir à une réduction annuelle moyenne de 81 millions de tonnes de CO2 d'ici à 2030…

Selon l'Agence européenne pour l'environnement, seuls trois pays sur vingt-sept pourraient atteindre leurs objectifs : la Grèce, le Portugal et la Suède. Sept autres ont décidé de rehausser leurs ambitions en la matière : la Belgique, la Croatie, la France, l'Italie, la Hongrie, la Slovaquie et l'Espagne. Les dix-huit autres États n'ont pas pris d'engagement en ce sens.

Deuxième pilier : l'amélioration de l'efficacité énergétique de 32,5 % d'ici à 2030, grâce à de nouvelles mesures de nature à limiter la consommation finale et primaire d'énergie. Là encore, on rate l'objectif, mais nous en sommes moins éloignés que pour les émissions de gaz à effet de serre car la baisse de la consommation primaire, estimée à 0,9 % en 2018 par l'Agence pour l'environnement, doit s'accélérer.

Troisième pilier : la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen. Elle était de 18,8 % en 2018 et on estime qu'on atteindra pratiquement 20 % en 2020, ce qui est conforme à l'objectif fixé en 2008. Toutefois, comme l'objectif est une part de 32 % en 2030, il va falloir encore pédaler un peu, si je puis dire. Je précise que le bon niveau se situe entre 38 et 38,7 %.

Vous le voyez, nos objectifs sont très ambitieux. Or, sans être un oiseau de mauvais augure, je peux dire que nous sommes en train de rater la cible, surtout en matière de réduction des gaz à effet de serre. Certains se sont enflammés lors de l'arrêt quasiment total du trafic aérien et maritime en raison de la pandémie de covid-19. Mais s'il y a bien eu une baisse des émissions de CO2, celle-ci a été infime et nous sommes repartis sur la tendance que je décrivais à l'instant.

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