Intervention de Philippe Boucly

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 17h00
Commission des affaires européennes

Philippe Boucly, France Hydrogène :

Vos questions montrent que le cœur du sujet, c'est « nucléaire ou pas nucléaire ». D'autres pays européens sont équipés en nucléaire et n'ont pas prévu de l'arrêter. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'à long terme, ce serait formidable si l'hydrogène était produit à partir d'énergies renouvelables. L'important, c'est de réussir la transition et d'être encore là à l'arrivée.

Or je constate le retard de développement des énergies renouvelables en France, pour le renouvelable onshore et a fortiori pour l' offshore, pour lequel je crois qu'à ce jour nous avons une éolienne alors que d'autres parlent déjà en gigawatts de parcs offshore. Nos centrales nucléaires tournent et sont en parfait état de fonctionnement. Le mix électrique français donne entre 50 et 70 grammes de gaz carbonique par kilowattheure, il faut à peu près 55 kilowattheures pour faire un kilogramme d'hydrogène, ce qui nous représente à peu près à 3,8 à 4 kilogrammes de gaz carbonique par kilogramme d'hydrogène produit. Vous en conviendrez, c'est beaucoup mieux qu'à partir d'hydrocarbures, même le gaz naturel, où nous sommes à 9 ou 10 kilogrammes de gaz carbonique par kilogramme d'hydrogène.

Sur le point d'arrivée, j'ai le sentiment que nous sommes tous d'accord : nous militons pour la neutralité technologique. Laissons leur chance à tous ceux qui ont les moyens de faire de l'hydrogène bas carbone et arrêtons donc de sortir des seuils de plus en plus bas dans les taxonomies qui fleurissent ici ou là. Une taxonomie verte est en train d'être mise au point à Bruxelles, où l'on parle maintenant de 2,256 kg de CO2 par kilo d'hydrogène. Si je retiens le taux d'émission carbone de la base carbone de l'ADEME, le photovoltaïque ne passe même pas la barre avec ce seuil.

Michel Delpon a cité le projet CertifHy. Cette démarche globale a recueilli un large consensus chez les acteurs européens et à Bruxelles, qui tend à qualifier justement l'hydrogène de « bas carbone » lorsque son empreinte en CO2 est inférieure de 60 % à celle des meilleures technologies disponibles, ce qui équivaut à environ 4 kg de gaz carbonique par kilo d'hydrogène. Rien n'empêche, dans cette catégorie d'hydrogène bas carbone, de définir un hydrogène renouvelable et de lui donner éventuellement une prime.

Laissons exister cette électricité et cet hydrogène bas carbone. Le combat essentiel est le changement climatique et non la promotion du renouvelable à tout va. M. Chassaigne et M. Loiseau se demandaient si les ambitions d'investissement de l'Europe étaient à la hauteur. La filière est parfaitement satisfaite par la stratégie annoncée en matière de soutien gouvernemental, surtout avec la présentation commune des ministres de l'écologie et de l'économie.

La marche à franchir est considérable. En matière d'électrolyse, McPhy, qui est en bonne position pour devenir le champion français, a produit depuis dix ans 40 mégawatts. Leur capacité de production est entre 100 et 300 mégawatts. Leur objectif est de créer une première gigafactory de 1 000 mégawatts à l'horizon 2024. Une autre gigafactory serait construite trois ans plus tard, en 2027. Si l'on cumule ces capacités de production jusqu'en 2030, cela ne fait pourtant que 10 gigawatts. Je rappelle que l'ambition européenne est de deux fois 40 gigawatts, c'est-à-dire qu'il faut que d'autres producteurs européens se mettent également à bâtir des gigafactories, de façon à produire au moins 40 gigawatts, si ce n'est 80, puisque pour les 40 qui sont implantés dans des pays limitrophes, nous pouvons admettre qu'il s'agira d'électrolyseurs chinois, mais aussi espérer qu'ils soient européens.

On retrouve le taux de 12 à 14 % évoqué pour la part de l'hydrogène dans la consommation finale d'énergie à l'horizon 2050, dans beaucoup de scénarios imaginés par certaines associations environnementales, certains industriels, certains pétroliers ou certains électriciens. Nous allons vers plus d'électrification : la part de l'électricité, qui est actuellement de l'ordre de 20 à 25 % de la consommation finale, devrait passer à 50 ou 60 %. Le reste devra être couvert par du renouvelable et l'hydrogène devrait occuper une part qui, selon les scénarios, se situe entre 10 et 20 %. Un niveau de 15 % semble être raisonnable.

Sur l'avion, je n'ai pas d'avis particulier. Les dirigeants d'Airbus et autres se donnent cinq ans pour mieux définir l'avion et savoir s'il volera à l'hydrogène ou au kérosène. Je laisse donc les spécialistes parler de l'avion. Je conviens qu'au vu de la place de l'aéronautique en Europe en général, en France en particulier, il serait bon que les avions soient propres. Encore une fois, attendons que les spécialistes se prononcent sur le type de carburant qui sera utilisé.

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