Intervention de Nicolas Bardi

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 17h00
Commission des affaires européennes

Nicolas Bardi, Sylfen :

Je rappelle qu'un électrolyseur est une machine. Imaginez un aspirateur qui consomme de l'électricité et va produire de l'hydrogène à partir de l'eau. Si vous passez l'aspirateur en milieu de journée et que vous avez des panneaux solaires chez vous, c'est un aspirateur solaire ; si vous passez l'aspirateur à 22 heures, quand la nuit est tombée, c'est un aspirateur qui va consommer le mix électrique de l'endroit où vous habitez. Vous pouvez très bien imaginer un électrolyseur qui, pendant une partie de la journée, va produire de l'hydrogène renouvelable, et une autre partie de la journée utiliser une électricité provenant de sources non renouvelables, ou du nucléaire, etc. On ne peut pas distinguer une technologie d'hydrogène renouvelable et une technologie d'hydrogène nucléaire. La technologie de production de l'hydrogène est neutre, la machine à électrolyse est ce qu'elle est, elle ne reconnaît pas les électrons qui l'alimentent. Du point de vue du développement technologique, développons donc des électrolyseurs efficaces. La question est ensuite : sur quel fil sont-ils branchés et est-on capable de regarder d'où vient l'électricité au moment où on va produire de l'hydrogène ?

On va inéluctablement vers une certification en temps réel de l'électricité consommée. Tous les moyens numériques existent pour ce faire, et il serait extrêmement important d'accélérer dans cette direction, afin qu'on sache si notre mix électrique temps réel est solaire, éolien, nucléaire, etc. et pour quelle part, si le contrat d'énergie l'indique. Aujourd'hui, parce qu'on déverse sur le réseau x mégawattheures d'énergie renouvelable à un moment donné, on est capable, par un jeu de labels et de certificats, de vendre ces mêmes x mégawattheures d'électricité renouvelable à des machines qui vont consommer toute la journée, toute la nuit, y compris à des moments où le renouvelable ne produit pas. Ces mécanismes de certification ont été nécessaires pour favoriser le déploiement des énergies renouvelables. Mais on doit désormais revenir à la physique et développer des solutions pour certifier en temps réel qu'on a du renouvelable ou pas. Cela a un impact sur le coût de production, car le coût de l'hydrogène produit par un électrolyseur dépend du prix de l'électricité achetée et du coût de l'électrolyseur lui-même, son amortissement, sa maintenance. Évidemment, si un même électrolyseur fonctionne 3 000 heures par an, branché uniquement sur du solaire, et que vous l'éteignez quand il n'y a pas de soleil, ou que vous le faites fonctionner 8 760 heures par an, c'est-à-dire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à l'arrivée vous n'avez pas le même coût de production.

Dans ce débat sur l'origine de l'hydrogène, on va avoir une problématique de coûts différents et de certifications différentes. Cela ne me gêne pas que le consommateur, à la fin, sache à quel prix il achète son hydrogène et d'où vient cet hydrogène : est-il 100 % renouvelable, ou à moitié renouvelable et à moitié nucléaire pour le mix électrique français ? Finalement, le consommateur peut faire son choix.

Un point est indiscutable dans les stratégies française et européenne : comme l'ont rappelé MM. André Chassaigne et Philippe Boucly, 95 % de l'hydrogène produit repose aujourd'hui sur une source fossile. Cet hydrogène est consommé pour quelques usages : des usines sidérurgiques, des fabriques d'engrais, des raffineries de pétrole, etc. Ces consommations peuvent être satisfaites par l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau. De toute façon, c'est positif pour le changement climatique. Il n'y a pas débat, il faut le faire. Je ne critique absolument pas la priorité donnée, dans les plans nationaux et européens, à la construction de gros électrolyseurs qui permettront déjà de décarboner cet hydrogène qui n'est aujourd'hui pas vertueux d'un point de vue environnemental.

La question porte sur l'étape suivante. Comment développer les usages ? Qu'est-ce qu'on en tire ? L'idée n'est pas de consommer de l'hydrogène pour consommer de l'hydrogène, mais d'avoir des véhicules, des maisons, des usages de l'énergie plus vertueux que ceux d'aujourd'hui. L'hydrogène peut être un outil pour décarboner. C'est comme cela qu'il faudrait arriver à prendre le déploiement de la filière, d'autant qu'il va falloir du temps pour que se développent les différents usages qui permettront de consommer cet hydrogène décarboné.

Pour finir, deux points me semblent importants pour le développement de l'hydrogène. André Chassaigne l'a rappelé en citant Nicolas Hulot : l'hydrogène permet de stocker l'énergie renouvelable. Encore faut-il le produire à partir d'énergie renouvelable. Quand on a trop de renouvelable, on stocke, et quand on n'a pas assez de renouvelable, on arrête de produire l'hydrogène. Cette fonction de stockage sera forcément un peu plus chère qu'un hydrogène produit 24 heures sur 24 avec le mix électrique existant. Essayons de différencier ces usages, soutenons le rôle de l'hydrogène comme vecteur de stockage des énergies renouvelables, parce que cela va permettre d'accélérer et d'amplifier l'intégration des renouvelables dans les réseaux. À un moment donné, il faudra du stockage. L'hydrogène est une très bonne façon de le faire, et si on ne le fait pas ainsi on va devoir le faire peut-être à partir de batteries, ce qui, d'un point de vue du cycle de vie et du coût, n'est pas optimal pour un stockage de longue durée. Le soutien au déploiement de l'hydrogène comme vecteur de stockage des énergies renouvelables, comme réserve locale d'énergie dans des écosystèmes durables, est un enjeu très fort, qui ne correspond pas à des logiques de tarifs d'achat d'hydrogène. Il répond plutôt à des logiques de soutien à l'investissement local, d'intégration des énergies renouvelables dans les usages, pour les bâtiments, les éco-quartiers, les véhicules, des logiques de soutien à la production locale d'énergie. Il restera les grandes agglomérations qui, de toute façon, ne peuvent pas produire suffisamment d'énergie pour subvenir à leurs besoins, et pour lesquelles il faudra des systèmes centralisés. Mais en tirant sur les deux bouts de la chaîne, on arrivera à utiliser au mieux l'hydrogène comme vecteur de la transition énergétique.

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