Il reste un point à l'ordre du jour. Il s'agit d'une communication sur la réunion plénière de la COSAC qui a eu lieu par visioconférence à Berlin ce lundi 30 novembre, et mardi 1er décembre. Je souhaite vous présenter, avec Mme Liliana Tanguy qui était également présente, une rapide synthèse des débats qui se sont déroulés.
Cinq thèmes figuraient à l'ordre du jour dont le premier était un thème lié à l'actualité et qui n'a été révélé que vendredi dernier : ce que souhaitait mon homologue Gunther Krichbaum, et je crois que c'est une excellente idée, c'est d'obliger ainsi les intervenants à avoir une discussion franche, à parler sans papier préparé, pour réagir véritablement aux propos liminaires des différents intervenants. L'intitulé de ce thème était : « Nouveau départ pour les relations transatlantiques ? ».
Pour ma part, je suis intervenue pour dire que si l'élection de Joe Biden était un très bon signal pour l'Europe, il ne fallait pas non plus trop en attendre car l'Europe n'est plus prioritaire pour les États-Unis depuis bien avant Donald Trump. La question est celle de savoir comment les autorités américaines nous considèrent : comme un agrégat d'États ou comme une puissance politique avec laquelle construire une relation de partenariat ? Mon collègue autrichien a fait une proposition intéressante que j'ai soutenue : établir des relations directes entre la COSAC et le Congrès américain. Gunther Krichbaum a suggéré que cette idée soit discutée au sein de la troïka sous présidence portugaise.
Le second thème était celui de la coopération sanitaire face à la pandémie, Liliana Tanguy le présentera tout à l'heure puisqu'elle est intervenue dans le débat.
Pour le troisième thème qui était le bilan de la présidence allemande du Conseil, l'oratrice invitée était la chancelière Angela Merkel.
Celle-ci a dressé un bilan global de cinq mois écoulés. Elle a particulièrement insisté sur la nécessité d'une réponse européenne à la hauteur de l'enjeu séculaire que constituent la pandémie et ses conséquences. Elle a souligné que tout le programme que la présidence allemande avait initialement prévu a été modifié du fait de la crise.
Elle a déploré le blocage dans le lancement du plan de relance en raison de l'opposition hongroise et polonaise, du fait du mécanisme de conditionnalité à l'État de droit. Mais la chancelière mène actuellement des négociations, puisque l'Allemagne a une relation privilégiée avec la Pologne. Le Conseil européen des 10 et 11 décembre devrait, selon la Chancelière, permettre d'acter une solution. Pour votre information, la Chambre néerlandaise a adopté une très intéressante résolution demandant à son Gouvernement de déférer la Pologne devant la CJUE pour manquement à ses devoirs sur l'État de droit.
La Chancelière a également évoqué le Brexit et souligné les efforts de Michel Barnier. Elle a rappelé, comme nous tous ici, son souhait de parvenir à un accord avec le Royaume-Uni, sans pour autant compromettre les intérêts européens.
Sur le climat, la Chancelière a rappelé toutes les avancées de ces derniers mois, à la suite du Pacte Vert pour l'Europe. Elle veut que le 12 décembre, à la suite du Conseil européen et lors d'une conférence des Nations Unies sur ce sujet, l'Union puisse annoncer un objectif très ambitieux de réduction des gaz à effet de serre pour 2030, à hauteur de 55 % pour ce qui concerne l'Allemagne. Beaucoup d'autres sujets sont en cours de discussion et n'aboutiront pas sous présidence allemande et seront repris par la présidence portugaise : la création d'un marché unique du numérique et le Pacte Asile et Migrations. Sur ce dernier point, la présidence allemande a peu avancé, cela nécessite de coordonner très étroitement les présidences du Conseil.
La Chancelière a enfin insisté sur les enjeux de politique étrangère, en particulier les relations UE-Turquie. Pour elle, la réaction européenne n'a pas été à la hauteur jusqu'ici. Elle veut donc que le prochain Conseil européen soit l'occasion d'une véritable réponse commune, comme cela a pu être le cas pour la Biélorussie ou l'affaire Navalny. Elle a même temps fait remarquer que l'Union avait une sorte d'obligation vis-à-vis de la Turquie qui gardait sur son territoire des réfugiés qui sinon se dirigeraient vers les frontières de l'Union. La chancelière a expliqué que bien souvent, il est dans l'intérêt des réfugiés de ne pas s'éloigner plus que nécessaire de leurs pays d'origine. La position géographique de la Turquie leur permettra de faciliter leur retour le moment venu.
Elle a également appelé à accélérer les négociations sur la protection vis-à-vis des investissements étrangers et a évoqué la possibilité d'un nouveau sommet UE-Chine dans les prochains mois si cela s'avérait nécessaire : elle a en effet souligné la nécessité de rester dans le dialogue avec la Chine, y compris sur les droits de l'homme. Elle a même dit que l'Allemagne n'avait jamais dévié de ce dialogue et en bilatéral mettait toujours ce point à l'ordre du jour.
Pour ma part, j'ai surtout insisté sur la nécessité d'aboutir à un accord en ce qui concerne la Conférence sur l'avenir de l'Europe qui aurait dû démarrer cette année. Beaucoup de retard a été pris et les institutions européennes ne sont toujours pas parvenues à s'accorder sur la forme que cette Conférence prendra. L'idéal serait que celle-ci puisse aboutir sous présidence française. Il importe également, comme Gunther Krichbaum l'avait indiqué en ouverture des débats, que les parlements nationaux soient associés sur un pied d'égalité avec les autres institutions à cette conférence et pas seulement dans son organe plénier : les parlements nationaux doivent être partie prenante à la structure de pilotage de la conférence. Un projet de courrier des deux présidents allemands de la COSAC a été mis en circulation afin qu'il puisse être cosigné par les présidents de commission qui le souhaitent. Il y avait un large consensus sur ce sujet, j'ai moi-même signé ce courrier aujourd'hui. Il y est prôné une organisation décentralisée de la conférence, la mise en place de solutions numériques et la mise à l'ordre du jour de thèmes institutionnels comme la participation des parlements nationaux au processus législatif avec par exemple l'extension de la période de contrôle de la subsidiarité à 12 semaines ou d'autres questions comme la transition verte et l'état de droit.
D'ailleurs, cette conférence a connu plusieurs nouveautés, comme par exemple le débat d'actualité dont le thème a été révélé plus tardivement, que j'ai déjà mentionné. D'autres pistes ont également été évoquées : garder un contact rapproché entre commissions des affaires européennes y compris en dehors de la COSAC, tout au long de l'année, pour faire le point sur ce qui nous préoccupe les uns les autres. Nous pourrions faire des auditions ponctuelles avec les commissaires européens dans ce cadre. Je pense que ce serait une bonne idée de garder le contact avec les autres parlements nationaux pour savoir ce que nous défendons ensemble.
La chancelière est d'avis qu'il faut une approche plus politique et moins juridique quant au futur de l'Union. L'Allemagne connaît déjà le système de compétences exclusives et partagées : les hôpitaux sont gérés par les Länder et ont vocation à le rester, mais l'Union pourrait avoir un rôle plus important dans la gestion de la vaccination, du stock de masques, etc. Il faut se demander où l'Europe apporte une valeur ajoutée et où son intervention est demandée par les citoyens.
La présidente de la Commission a défendu l'action de la Commission dans la lutte contre la pandémie, et notamment son projet de passation de marchés centralisés. Pour ce qui est des vaccins, la répartition des doses se fera entre les Etats membres selon une clé de répartition basée sur des critères démographiques. Elle a également défendu le rôle des parlements nationaux dans le cadre de la réflexion sur l'avenir de l'Europe. À propos du, elle a défendu la logique du « level playing field », c'est-à-dire que le Royaume-Uni devra respecter nos règles s'il veut avoir un plein accès au marché intérieur.
Dernier thème abordé, le rôle de l'Europe dans le monde. L'orateur invité était le professeur Horst Köhler, ancien président de la République fédérale d'Allemagne. Étaient aussi présents, et c'est une nouveauté, des députés et ministres africains. C'est une initiative qu'il convient de saluer, car il est plus intéressant de parler avec les Africains que de parler des Africains sans eux. Comme l'a rappelé Horst Köhler, l'Afrique est souvent présentée comme une source de problèmes pour l'Europe, mais elle offre également des opportunités politiques, économiques et commerciales. Il a appelé à un dialogue renouvelé et à une responsabilité partagée des Européens et des Africains. L'Afrique est un partenaire de l'Union mais elle a plusieurs options de coopération possibles, avec la Chine ou la Russie, et il faut en être conscient et s'assurer que l'Union soit toujours la meilleure option possible sans oublier par ailleurs que l'avenir de l'Afrique dépend avant tout des Africains. Son discours a largement été approuvé, notamment par les personnalités africaines.
Pour ma part j'ai souligné l'importance de l'Afrique pour l'Union européenne car nous partageons de nombreux enjeux : développement durable, État de droit, démocratie, immigration et sécurité. J'ai plaidé pour que l'accord post-Cotonou soit un accord global, abordant tous ces enjeux. L'Europe peut apporter un soutien financier, mais c'est aussi aux pays africains de prendre en charge leurs responsabilités, notamment pour ce qui est de la sécurité. Les opérations militaires de l'Union en Afrique sont pour l'essentiel des missions de formation, notamment des armées maliennes et centrafricaines, et ces opérations n'ont pas vocation à durer indéfiniment.